L’enseignement de Jésus sur les pèlerinages
Le pèlerinage annuel à Jérusalem était une « loi perpétuelle » pour tout juif (cf. Dt 16, 16-7). Jésus s’est soumis aux pèlerinages qui lui servaient de cadre pour enseigner les foules. Compte tenu de la distance géographique et des rivalités politiques, les habitants de la province de la Samarie avaient érigé sur le Mont Garizim un temple concurrent du temple de Jérusalem qui était pour les Juifs, le centre du monde et symbolisait le siège de Dieu. A la faveur d’une rencontre avec Jésus, une samaritaine s’enquiert de l’attitude à avoir par rapport à cette situation.
« La femme lui dit : "Seigneur, je vois que tu es un prophète... Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : C'est à Jérusalem qu'est le lieu où il faut adorer." Jésus lui dit : "Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient - et c'est maintenant - où les véritables adorateurs adoreront le Père dans l'esprit et la vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c'est dans l'esprit et la vérité qu'ils doivent adorer." » (Jn 4, 19-24).
« Adorer Dieu en esprit et en vérité », voilà l’enseignement nouveau qui abroge l’obligation d’un pèlerinage comme fondement de la religion.
Le sens chrétien du pèlerinage
Les pèlerinages sont de nos jours influencés par l’industrie du tourisme qui calcule ses bénéfices en termes de milliards. Cependant, pour le chrétien, faire pèlerinage est avant tout une dévotion, une forme de prière. Il peut être personnel ou communautaire (par exemple en famille, en paroisse, etc.). Il peut se faire dans un lieu choisi (par exemple à Yagma près de Ouagadougou) ou dans un lieu significatif : Terre Sainte, Rome, endroits où il y a eu des apparitions mariales authentifiées par l’Église (Lourdes, Fatima, etc.), églises hébergeant les reliques d’un saint, lieux où sont exposés à la vénération les corps de certains saints qui par grâce divine n’ont pas été altérés depuis les siècles (Sainte Cathérine Labouré à Paris, Sainte Bernadette Soubirous à Nevers, Saint Padre Pio, etc.). Certains profitent d’un voyage pour se rendre à ces lieux.
Lors d’un pèlerinage catholique, il n’y a pas de rites particuliers à accomplir. Chacun prie selon son cœur, « en esprit et en vérité ». Dans certains lieux, sont proposées la messe, la confession et d’autres dévotions (chapelet, chemin de croix, …). La messe est la plus grande prière, et ne peut jamais être égalée par un pèlerinage. En effet, « la liturgie, en tant qu'œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l'Église, est l'action sacrée par excellence dont nulle autre action de l'Église ne peut atteindre l'efficacité au même titre et au même degré » (Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilum, n° 7).
En outre, accomplir un pèlerinage ne garantit pas le paradis et ne saurait être un pilier dans le catholicisme. Cela pourrait bien s’insérer dans l’énumération suivante de Jésus : « Ce n'est pas en me disant : Seigneur, Seigneur, qu'on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c'est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n'est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé ? En ton nom que nous avons chassé les démons ? En ton nom que nous avons fait bien des miracles ? Alors je leur dirai en face : Jamais je ne vous ai connus ; écartez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité (Mt 7, 21-23).
Dans l’église catholique, il n’y a pas d’honneurs rendus aux pèlerins
La discrétion voulue par le Christ pour la prière et les dévotions (cf. Mt 6, 5-8) ne serait pas rendue possible si les pèlerins, de retour, recevaient un titre de gloire dans les assemblées chrétiennes. De plus, il est arrivé que certains chrétiens se soient rendus à des pèlerinages avec de l’argent malhonnêtement acquis. Devraient-ils en être glorifiés ? Les pèlerinages dans des pays lointains exigent une certaine aisance financière, et l’Écriture défend de faire acception des personnes :
« Mes frères, ne mêlez pas à des considérations de personnes la foi en notre Seigneur Jésus Christ glorifié. Supposez qu'il entre dans votre assemblée un homme à bague d'or, en habit resplendissant, et qu'il entre aussi un pauvre en habit malpropre. Vous tournez vos regards vers celui qui porte l'habit resplendissant et vous lui dites : "Toi, assieds-toi ici à la place d'honneur." Quant au pauvre, vous lui dites : "Toi, tiens-toi là debout", ou bien : "Assieds-toi au bas de mon escabeau." Ne portez-vous pas en vous-mêmes un jugement, ne devenez-vous pas des juges aux pensées perverses ? Écoutez, mes frères bien-aimés : Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres selon le monde comme riches dans la foi et héritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment ? Mais vous, vous méprisez le pauvre ! N'est-ce pas les riches qui vous oppriment ? N'est-ce pas eux qui vous traînent devant les tribunaux ? N'est-ce pas eux qui blasphèment le beau Nom qu'on a invoqué sur vous ? Si donc vous accomplissez la Loi royale suivant l'Écriture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, vous faites bien ; mais si vous considérez les personnes, vous commettez un péché et la Loi vous condamne comme transgresseurs » (Jc 2, 1-9).
Enfin, il ne convient pas de se ruiner pour aller à un pèlerinage lointain. Aussi, bien qu’ayant suffisamment d’argent pour faire un pèlerinage à l’étranger, un chrétien pourrait-il choisir par exemple, d’aider des personnes en difficultés, de contribuer à la construction d’une église, etc. Et il aura bien fait, car, dit Jésus, « en vérité, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait … Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir ... » (cf. Mt 25, 31-46).