Oui.
Certaines personnes déduisent sans autre forme de procès que Jésus ne sauve pas tous les hommes à partir de cette phrase de Jésus : « Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël » (Mt 15, 24). Cette conclusion erronée vient de l’ignorance du plan de salut de Dieu à travers le peuple d’Israël, de la méconnaissance du contexte dans lequel Jésus a dit cette phrase et de son enseignement sur ceux qui sont sauvés.
Le plan de salut de Dieu
Pour se révéler aux hommes et les sauver, Dieu a librement choisi un peuple qu’il a préparé à accueillir Jésus. C’est le peuple d’Israël, les descendants d’Abraham. Dans l’Ancien Testament, Dieu n’a cessé de leur répéter : « Tu es un peuple consacré à Yahvé ton Dieu ; c'est toi que Yahvé ton Dieu a choisi pour son peuple à lui, parmi toutes les nations qui sont sur la terre » (Dt 7, 6 ; 14, 2).
Dieu a pris le soin d’exprimer qu’en temps opportun, grâce à Israël, peuple choisi, le monde entier le connaîtra et qu’il choisirait même ses prêtres parmi ces peuples lointains : « Moi je viendrai rassembler toutes les nations et toutes les langues, et elles viendront voir ma gloire. Je mettrai chez elles un signe et j'enverrai de leurs survivants vers les nations : vers Tarsis, Put, Lud, Méshek, Tubal et Yavân, vers les îles éloignées qui n'ont pas entendu parler de moi, et qui n'ont pas vu ma gloire. Ils feront connaître ma gloire aux nations. Et de certains d'entre eux je me ferai des prêtres, des lévites, dit Yahvé » (Is 66, 18-19.21).
Dieu a parlé à ce peuple à travers les prophètes qui ont annoncé tour à tour la venue du Messie qu’est Jésus.
Le ministère public de Jésus
Jésus est né de Marie à Bethléem. Juif, il parlait la langue des Juifs. Il s’est révélé comme le Messie annoncé depuis plusieurs siècles par les prophètes. Il montre que sa vie et ses actions sont conformes à l’Ancien Testament que les Juifs connaissaient bien. Il est donc légitime que Jésus enseigne en priorité aux Juifs, eux qui étaient préparés à l’accueillir. C’est pourquoi, à quelques exceptions près, c’était en territoire juif et aux Juifs que Jésus prêchait la Bonne Nouvelle.
De même Jésus insistait pendant sa vie publique pour que les Apôtres prêchent également en territoire juif : « Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les prescriptions suivantes : Ne prenez pas le chemin des païens et n'entrez pas dans une ville de Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël » (Mt 10, 5-6).
Les évangélistes nous rapportent cette discussion étrange entre Jésus et une femme non juive : « Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon. Et voici qu'une femme cananéenne, étant sortie de ce territoire, criait en disant : "Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David : ma fille est fort malmenée par un démon." Mais il ne lui répondit pas un mot. Ses disciples, s'approchant, le priaient : "Fais-lui grâce, car elle nous poursuit de ses cris." A quoi il répondit : "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël." Mais la femme était arrivée et se tenait prosternée devant lui en disant : "Seigneur, viens à mon secours !" Il lui répondit : "Il ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens" - "Oui, Seigneur ! dit-elle, et justement les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres !" Alors Jésus lui répondit : "O femme, grande est ta foi ! Qu'il t'advienne selon ton désir !" Et de ce moment sa fille fut guérie » (Mt 15, 21-28).
Le courage de cette femme étrangère rencontre une attitude fort curieuse de la part de Jésus. D’abord, il ne lui répond rien malgré son insistance. Quand il sort de son silence, c’est pour renvoyer à la femme l’image blessante que les Juifs ont des non Juifs. Les Juifs se considéraient en effet comme des purs, les élus de Dieu au point de mépriser les autres peuples en les traitant de « chiens ». La réponse de la femme signifie qu’elle se sent indigne mais qu’elle compte quand même sur la miséricorde de Jésus : « justement les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Jésus loue alors la grande foi de la femme qu’il venait de mettre à l’épreuve et guérit sa fille.
Ce passage d’évangile montre même que Jésus, « envoyé aux brebis perdues de la maison d'Israël » sauve aussi ceux qui ne sont pas Israélites (Juifs). Il disait à ses disciples : « moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi. Il signifiait par là de quelle mort il allait mourir » (Jn 12, 32-33). C’est donc que l’étape de la mort de Jésus sur la Croix inaugure le salut (= le fait d’être sauvé) de tous les peuples, les Juifs et les non Juifs.
Jésus, sauveur du monde
« Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3, 16-17). Ainsi, c’est Jésus, le Fils de Dieu qui est le sauveur du monde.
Avant sa mort, Jésus donnait cette prescription à ses Apôtres : « Ne prenez pas le chemin des païens et n'entrez pas dans une ville de Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël » (Mt 10, 5-6). A contrario, une fois mort et ressuscité, « il leur dit : "Allez dans le monde entier, proclamez l'Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné. Eux, ils s'en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l'accompagnaient » (Mc 16, 15-16.20. Lire aussi Ac 8, 5 ; 13, 5 sur la prédication en Samarie).
Si Jésus ne sauve pas tous les hommes, Juifs et non Juifs, pourquoi envoie-t-il ses Apôtres dans le monde entier ? Jésus est venu pour sauver tous les hommes. « Car il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12). C’est en croyant au nom de Jésus et en mettant en pratique ce qu’il a enseigné que l’homme bénéficie du salut, puisque « quiconque alors invoquera le nom du Seigneur sera sauvé » (Ac 2, 21 ; Rm 10, 13).
L’Église est constituée de la communauté de ceux qui croient en Jésus-Christ, mort pour sauver tous les hommes. La Bible montre que dans l’Église, la nationalité et l’ethnie ne comptent pas. Ce qui importe c’est la foi en Jésus qui nous sauve tous : « Vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans Christ Jésus. Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 26-28).