Le passage où Jésus demande de n'appeler personne Père ou Maître est souvent mal compris. Pour cette raison, on reproche aux catholiques de donner aux prêtres le titre de « Père » ou « Abbé » et au Pape le titre de « saint Père ». Voici ce que Jésus a dit : « Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi : car vous n'avez qu'un Maître, et tous vous êtes des frères. N'appelez personne votre Père sur la terre : car vous n'en avez qu'un, le Père céleste » (Mt 23, 8-9). Examinons le contexte.

1. Le mot « Père » est employé plusieurs fois dans la Bible

Jésus demande en Mt 23, 8-9 de ne pas prendre un homme sur cette terre pour Dieu le Père, car le seul Père que nous avons est au ciel. De même, aucun homme sur cette terre ne doit être pris pour l'égal de Jésus-Christ, le seul Maître, le seul habilité à nous donner la règle de foi et de vie.

Jésus ne nous interdit pas d'appeler nos parents « pères ». N'a-t-il pas dit « Honore ton père et ta mère » (Mt 19, 19) ? Joseph était appelé le père de Jésus (Jn 6, 42). « Mieux encore, Rébecca avait conçu d'un seul homme, Isaac notre père » (Rm 9, 10). Les Juifs appelaient Abraham leur père (Mt 9, 3). Par suite, dans la foi, l'expression « Abraham, notre Père » (Rm 4, 12-17 ; Jc 2, 21) a été aussi adoptée par les chrétiens en même temps que l'expression « Dieu, notre Père » (Ga 1, 3-4 ; Ph 4, 20, etc.). Et saint Paul ajoute : « Ne rudoie pas un vieillard ; au contraire, exhorte-le comme un père, les jeunes gens comme des frères » (1 Tm 5, 1).

Mais alors, on en veut aux prêtres catholiques d'accepter le titre de « Abbé » ce qui signifie aussi « Père ». Saint Paul dit aux Corinthiens : « Auriez-vous en effet des milliers de pédagogues dans le Christ, que vous n'avez pas plusieurs pères ; car c'est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus » (1 Co 4, 15). À plusieurs reprises, il écrit : « à Timothée, mon véritable enfant dans la foi » (1 Tm 1, 2.18 ; cf. 1 Co 4, 17 ; 2 Tm 1, 2 ; Ph 2, 22), ce qui signifie que Timothée l'appelle en retour « père ». Il en est de même pour Tite et Onésime (Tt 1, 4 ; Phm 10).

Il n'est pas difficile de se rendre compte que le travail ordinaire du prêtre catholique est d'enseigner et de sanctifier, en d'autres termes, d'engendrer dans la foi, dans le Christ Jésus. Il est donc légitime qu'à l'instar de saint Paul, ils soient reconnus comme des « Abbés », des « Pères ». Ne doivent-ils pas comme lui avoir une attitude paternelle envers le peuple de Dieu ? « Comme un père pour ses enfants, vous le savez, nous vous avons, chacun de vous, exhortés, encouragés, adjurés de mener une vie digne de Dieu qui vous appelle à son Royaume et à sa gloire » (1 Th 2, 11-12).

2. Le titre de « Père » est lié à la fonction du prêtre

D'ailleurs, depuis l'Ancien Testament, le titre de Père est lié à la fonction du prêtre. On voit par exemple dans le livre des Juges que Mika déclare au lévite de Bethléem : « Fixe-toi chez moi, lui dit Mika, sois pour moi un père et un prêtre » (Jg 17, 10). Plus tard, c'est un groupe de personnes qui adopte ce lévite comme père et prêtre de toute la tribu : « viens avec nous. Tu seras pour nous un père et un prêtre. Vaut-il mieux pour toi être le prêtre de la maison d'un seul homme que d'être le prêtre d'une tribu et d'un clan d'Israël ? » (Jg 18, 19). Au temps du prophète Isaïe, on se souviendra également du choix d'Elyaquim : « J'appellerai mon serviteur Elyaqim fils d'Hilqiyyahu. Je le revêtirai de ta tunique, je le ceindrai de ton écharpe, je lui remettrai tes pouvoirs, il sera un père pour l'habitant de Jérusalem et pour la maison de Juda » (Is 22, 20-21).

Lorsque nous appelons quelqu'un par le titre de « père », il est clair que pour nous, il n'y a qu'« un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous » (Ep 4, 5-6).

Dans le contexte de Mt 23, 8-9, Jésus reproche d'abord aux Pharisiens leur orgueil. Ils s'arrogent la place de Dieu pour fixer pour les autres la règle de foi et de conduite : « Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt » (Mt 23, 4). Et pour cela, ils aiment qu'on les appelle « Maîtres ». C'est pourquoi Jésus enseigne de ne prendre personne pour Père ou Maître sur cette terre.

3. Le Pape est appelé « saint Père »

Le mot « Pape » signifie aussi « papa », « père ». On reproche aussi au Pape de porter le titre de « saint Père », expression employée une seule fois dans le Nouveau Testament par Jésus quand il dit : « Père saint, garde-les dans ton nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme nous » (Jn 17, 11).

Pourtant, ce n'est pas la seule expression dédiée à Dieu qui soit aussi employée pour les hommes. Nous avons vu ci-dessus le cas de l’appellation « père ». Jésus a précisé que « nul n'est bon que Dieu seul » (Mc 10, 18). Est-ce que nous blasphémons lorsque nous disons qu'une personne est bonne ou qu'une nourriture est bonne ?

Dieu seul est saint (Ap 15, 4). Mais nous voyons que même dans la Bible, à maintes reprises les chrétiens sont appelés « saints » (Rm 8, 27 ; 1 Co 14, 33 ; etc.), bien qu'ils soient appelés à être saints comme Dieu est saint (1 P 1, 16). Dans ce cas, pourquoi le Pape ne peut-il pas être appelé « saint », lui qui est le responsable de « la nation sainte, du peuple acquis pour proclamer les louanges de Dieu » (1 P 2, 9) ?

Toute paternité sur terre, qu'elle soit spirituelle ou due à la parenté doit être subordonnée à Dieu le Père : « C'est pourquoi je fléchis les genoux en présence du Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom » (Ep 3, 14-15).

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Ce site vous est offert par l'Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso).

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