« Mon Dieu comblera tous vos besoins, selon sa richesse, avec magnificence, dans le Christ Jésus » (Ph 4, 19). C'est à partir de versets bibliques de ce genre qu'un certain courant de pensée dit « évangile de la prospérité » est né au siècle dernier, aux États-Unis, dans le monde protestant. Selon cette doctrine, la pauvreté est une punition divine ou un signe d'incroyance, car Dieu bénit les croyants en leur accordant une bonne santé, le bonheur, l'aisance financière et matérielle. De plus, les personnes qui donnent davantage pour le Royaume de Dieu, c'est-à-dire à leur église, sont celles qui reçoivent le plus de bénédictions matérielles et financières. Il s'en suit une insistance sur la dîme, les offrandes et autres collectes par lesquelles ces églises et leurs pasteurs garantissent leur propre prospérité.

L'évangile de la prospérité est toujours véhiculé dans de nombreuses dénominations tandis que certaines dénominations la rejettent ouvertement. Le chrétien catholique doit se méfier de cette doctrine qu'une lecture équilibrée de la Bible permet de réfuter facilement.

1. La théologie de la prospérité

L'aisance financière prônée par l'évangile de la prospérité s'appuie sur l'abondance matérielle de certains personnages de l'Ancien Testament :

  • « Abram était très riche en troupeaux, en argent et en or » (Gn 13, 2) ;

  • « Il y avait jadis, au pays de Uç, un homme appelé Job : un homme intègre et droit qui craignait Dieu et se gardait du mal. Sept fils et trois filles lui étaient nés. Il possédait aussi 7.000 brebis, 3.000 chameaux, 500 paires de bœufs et 500 ânesses, avec de très nombreux serviteurs. Cet homme était le plus fortuné de tous les fils de l'Orient » (Jb 1, 1-3) ;

  • « Le roi Salomon surpassa en richesse et en sagesse tous les rois de la terre » (1 R 10, 23).

Certains passages bibliques sont aussi interprétés dans un sens purement matériel pour justifier la prospérité :

  • « Jésus déclara : "En vérité, je vous le dis, nul n'aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Évangile, qui ne reçoive le centuple dès maintenant, au temps présent, en maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle" » (Mc 10, 29-30) ;

  • Jésus dit : « Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr. Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on l'ait surabondante » (Jn 10, 10) ;

  • « Vous connaissez, en effet, la libéralité de notre Seigneur Jésus Christ, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (2 Co 8, 9) ;

  • « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien » (Ps 23(22), 1).

La bonne santé n'est pas en reste :

  • « Or ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison » (Is 53, 4-5) ;

  • « Le soir venu, on lui présenta beaucoup de démoniaques ; il chassa les esprits d'un mot, et il guérit tous les malades, afin que s'accomplît l'oracle d'Isaïe le prophète : Il a pris nos infirmités et s'est chargé de nos maladies » (Mt 8, 16-17) ;

  • « Très cher, je souhaite que tu te portes bien sous tous les rapports et que ton corps soit en aussi bonne santé que ton âme » (3 Jn 2).

Dieu donne à celui qui donne :

  • « Apportez intégralement la dîme au trésor, pour qu'il y ait de la nourriture chez moi. Et mettez-moi ainsi à l'épreuve, dit Yahvé Sabaot, pour voir si je n'ouvrirai pas en votre faveur la bénédiction en surabondance » (Ml 3, 10) ; ***

  • « Donnez, et l'on vous donnera ; c'est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu'on versera dans votre sein ; car de la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous en retour » (Lc 6, 38).

2. La pauvreté n'est pas une malédiction divine !

Dans l'Ancien Testament, Dieu avait promis la bénédiction à ceux qui suivraient ses commandements : « Si tu obéis vraiment à la voix de Yahvé ton Dieu, en gardant et pratiquant tous ces commandements que je te prescris aujourd'hui, Yahvé ton Dieu t'élèvera au-dessus de toutes les nations de la terre. Toutes les bénédictions que voici t'adviendront et t'atteindront ; car tu auras obéi à la voix de Yahvé ton Dieu. Yahvé te fera surabonder de biens : fruit de tes entrailles, fruit de ton bétail et fruit de ton sol, sur cette terre qu'il a juré à tes pères de te donner. Yahvé ouvrira pour toi les cieux, son trésor excellent, pour donner en son temps la pluie à ton pays, et pour bénir toutes tes œuvres. Tu annexeras des nations nombreuses et toi, tu ne seras pas annexé. Yahvé te mettra à la tête et non à la queue, tu ne seras jamais qu'au-dessus et non point au-dessous, si tu écoutes les commandements de Yahvé ton Dieu, que je te prescris aujourd'hui, pour les garder et les mettre en pratique » (Dt 28, 1-2.11-13).

Il s'en suit une crise de foi chaque fois que le croyant est en difficulté alors que les méchants prospèrent. Le prophète Jérémie s'écrie ainsi : « Tu es trop juste, Yahvé, pour que j'entre en contestation avec toi. Cependant je parlerai avec toi de questions de droit : Pourquoi la voie des méchants est-elle prospère ? Pourquoi tous les traîtres sont-ils en paix ? Tu les plantes, ils s'enracinent, ils vont bien, ils portent du fruit. Tu es près de leur bouche, mais loin de leurs reins » (Jr 12, 1-2).

Et quand Job perd toute sa fortune et les membres de sa famille, ses amis s'efforcent de le persuader qu'il a certainement commis un péché, ce que Job ne reconnaît pas. Car, même le juste peut subir le malheur. Job s'interroge : « Pourquoi les méchants restent-ils en vie, vieillissent-ils et accroissent-ils leur puissance ? Leur postérité devant eux s'affermit et leurs rejetons sous leurs yeux subsistent. La paix de leurs maisons n'a rien à craindre, les rigueurs de Dieu les épargnent. Leur taureau féconde à coup sûr, leur vache met bas sans avorter. Ils laissent courir leurs gamins comme des brebis, leurs enfants bondir comme des cerfs. Ils chantent avec tambourins et cithares, se réjouissent au son de la flûte. Leur vie s'achève dans le bonheur, ils descendent en paix au shéol. Eux, pourtant, disent à Dieu : "Écarte-toi de nous, connaître tes voies ne nous plaît pas ! Qu'est-ce que Shaddaï pour que nous le servions, quel profit pour nous à l'invoquer" » (Jb 21, 7-15) ?

Ainsi, on le voit bien, même dans la Bible, la richesse n'est pas réservée à ceux qui suivent Dieu. La pauvreté et les malheurs peuvent atteindre le croyant.

Jésus lui-même s'est fait pauvre pour nous montrer que la pauvreté n'est pas une malédiction divine. On pourrait dire qu'il a choisi cette condition. Mais regardons les Apôtres. Ils ont tout quitté pour suivre le Christ. Ce qu'ils ont reçu au centuple, ce ne sont pas des richesses, mais des persécutions. Quand Pierre guérit le paralytique devant le Temple, il dit : « De l'argent et de l'or, je n'en ai pas, mais ce que j'ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazôréen, marche » (Ac 3, 6) ! Saint Paul remercie les Philippiens qui lui ont envoyé de l'argent en ces termes : « Ce n'est pas mon dénuement qui m'inspire ces paroles ; j'ai appris en effet à me suffire en toute occasion. Je sais me priver comme je sais être à l'aise. En tout temps et de toutes manières, je me suis initié à la satiété comme à la faim, à l'abondance comme au dénuement. Je puis tout en Celui qui me rend fort » (Ph 4, 11-13).

Les causes de pauvreté sont multiples. Toutefois, du début à la fin de la Bible, les veuves, les orphelins et les personnes vulnérables (étrangers, salariés) sont l'objet de la prédilection de Dieu, si bien que les maltraiter, les outrager, ne pas leur rendre justice sont des péchés très graves (Ex 22, 20-22 ; Jr 22, 3 ; Jc 5, 4). La veuve de Sarepta qui a eu la faveur de Dieu n'est pas devenue riche, mais grâce au ministère du prophète Élie, elle n'a pas manqué de farine et d'huile pendant toute la durée de la famine (1 R 17 ; Lc 4, 25-26).

Jésus demande d'être détaché des biens matériels et de les rechercher dans la droiture : « Attention ! Gardez-vous de toute cupidité, car, au sein même de l'abondance, la vie d'un homme n'est pas assurée par ses biens » (Lc 12, 15). En effet, « nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent » (Mt 6, 24). Saint Paul demande d'exhorter les riches, ce qui est le signe qu'il y a des pauvres dans la communauté : « Aux riches de ce monde, recommande de ne pas juger de haut, de ne pas placer leur confiance en des richesses précaires, mais en Dieu qui nous pourvoit largement de tout, afin que nous en jouissions. Qu'ils fassent le bien, s'enrichissent de bonnes œuvres, donnent de bon cœur, sachent partager » (1 Tm 6, 17-18).

3. Le croyant peut bien subir l'épreuve et la maladie

Dans le cas de l'aveugle de naissance, Jésus dit que son infirmité n'est pas lié au péché de ses parents ni à son propre péché (Jn 9, 1-3). Élisabeth et Zacharie étaient tous deux justes aux yeux du Seigneur mais ils n'avaient pas d'enfant (Lc 1, 5-7).

Saint Paul montre comment il a prié avec persévérance sans obtenir ce qu'il voulait parce que telle était la volonté de Dieu : « Et pour que l'excellence même de ces révélations ne m'enorgueillisse pas, il m'a été mis une écharde en la chair, un ange de Satan chargé de me souffleter - pour que je ne m'enorgueillisse pas ! À ce sujet, par trois fois, j'ai prié le Seigneur pour qu'il s'éloigne de moi. Mais il m'a déclaré : "Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse." C'est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. C'est pourquoi je me complais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les détresses, dans les persécutions et les angoisses endurées pour le Christ ; car, lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort » (2 Co 12, 7-10).

Dans une de ses lettres, saint Paul nous révèle que Timothée, « son véritable enfant dans la foi » (1 Tm 1, 2), avait des maux de ventre fréquents : « Cesse de ne boire que de l'eau. Prends un peu de vin à cause de ton estomac et de tes fréquents malaises » (1 Tm 5, 23).

Saint Jacques ajoute que les épreuves sont le lot du chrétien : « Tenez pour une joie suprême, mes frères, d'être en butte à toutes sortes d'épreuves. Vous le savez : bien éprouvée, votre foi produit la constance ; mais que la constance s'accompagne d'une œuvre parfaite, afin que vous soyez parfaits, irréprochables, ne laissant rien à désirer » (Jc 1, 2-4).

Bref, Jésus a prévenu que le suivre n'était pas un long fleuve tranquille : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix chaque jour, et qu'il me suive » (Lc 9, 23). La Croix signifie souffrance. Et si la souffrance advient dans la vie du chrétien, cela ne doit pas être une surprise, car le Christ lui-même a souffert en premier.

Saint Pierre dit : « Quand vous aurez un peu souffert, le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés à sa gloire éternelle, dans le Christ, vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables » (1 P 5, 10). « Car c'est une grâce que de supporter, par égard pour Dieu, des peines que l'on souffre injustement. Quelle gloire, en effet, à supporter les coups si vous avez commis une faute ? Mais si, faisant le bien, vous supportez la souffrance, c'est une grâce auprès de Dieu. Or, c'est à cela que vous avez été appelés, car le Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces » (1 P 2, 19-21).

De la sorte, celui qui veut d'un christianisme de prospérité, sans souffrance, sans épreuve, sans maladie, sans deuil, sans croix, se trompe gravement et sera nécessairement déçu.

4. Dieu n'est pas au service de l'homme !

Dans l'évangile de la prospérité, l'homme n'est pas au service de Dieu mais plutôt le contraire : Dieu est là seulement pour obéir aux prières du croyant. « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien » (Ps 23(22), 1). Dans une perspective strictement matérielle, il appartient donc à Dieu de faire en sorte que le croyant soit toujours dans l'abondance. La prière devient un moyen de forcer Dieu à faire tout ce que l'homme désire : « Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira » (Mt 7, 7).

Forts de cette conviction, les théologiens de la prospérité vont trouver des excuses pour condamner les pauvres, les malades, et d'une manière générale ceux dont la prière n'est pas exaucée : « Vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas. Vous demandez et ne recevez pas parce que vous demandez mal, afin de dépenser pour vos passions » (Jc 4, 2-3).

Doit-on alors conclure que ceux qui sont victimes des guerres, du terrorisme, de la persécution, de la famine, des épidémies, de la maladie, d'infirmité, etc., demandent tous mal d'être soulagés afin de vaquer à leurs passions ?

Il est vrai que le péché grave (Is 1, 15-17), ou des mauvaises intentions (Jc 4, 2-3), peuvent être un obstacle à la prière. Mais si l'on ne tient pas compte du fait que Dieu peut permettre l'épreuve, on ne comprendra plus pourquoi il y a souvent des prières qui ne sont pas (encore) exaucées.

La prière que Jésus nous a apprise demande expressément que la volonté de Dieu soit faite sur la terre comme au ciel (Mt 6, 10). Jésus, en priant lors de son agonie, nous apprend que nous devons ajouter à nos intentions que tout se passe selon la volonté de Dieu : « Tout t'est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14, 36) ! La lettre aux Hébreux précise que cette prière a été exaucée : « C'est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé en raison de sa piété » (He 5, 7).

« Votre Père sait bien ce qu'il vous faut, avant que vous le lui demandiez » (Mt 6, 8). Ainsi, la prière n'est pas un outil pour obliger Dieu à faire ce que nous voulons, mais un moyen de nous disposer à accepter la volonté de Dieu dans notre vie, car « nous savons qu'avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien » (Rm 8, 28).

5. La grâce de Dieu ne s'achète pas !

Une caractéristique des théologiens de la prospérité est qu'ils prêchent que ce que l'on reçoit est conditionné et proportionnel à ce que l'on donne à Dieu, précisément au pasteur ou à l'église.

Certains parlent même de la loi du centuple : ce qui est Donné à Dieu est remis au centuple en référence à ces paroles de Jésus : « En vérité, je vous le dis, nul n'aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Évangile, qui ne reçoive le centuple dès maintenant, au temps présent, en maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle » (Mc 10, 29-30). Or, comme montré plus haut, ce que les Apôtres ont reçu au centuple, c'est surtout les persécutions. En Jésus nous sommes tous frères et nous avons une multitude de frères. Dans la première communauté chrétienne, « nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun » (Ac 4, 32). La récompense vraiment attendue est la vie éternelle.

« Au Seigneur, le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants » (Ps 24(23), 1) ! « À moi l'argent ! À moi l'or ! Oracle de Yahvé Sabaot » (Ag 2, 8). Tout ce que nous avons appartient à Dieu. « Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l'avais pas reçu » (1 Co 4, 7) ? Ainsi donc, dire que plus on donne à Dieu plus on reçoit l'abondance financière revient à dire que l'on achète les grâces divines avec son argent.

Dans cette perspective, en premier lieu, avant de pouvoir donner à Dieu, on se rend compte que l'on a déjà quelque chose, reçu de toute évidence de Dieu. Si l'on a reçu cela gratuitement, pourquoi les autres grâces devraient-elles être obtenues en dépensant de l'argent ? « Qui lui a donné en premier pour devoir être payé de retour » (Rm 11, 35) ? Qui parmi ceux que Jésus a guéris, délivrés de démons ou ressuscités a eu cette faveur parce qu'il a payé la dîme ou fait quelque offrande ?

Deuxièmement, lorsqu'on donne aux pauvres, on donne à Dieu (Pr 19, 17 ; Mt 25, 34-40). Pourtant, quand les tenants de l'évangile de la prospérité parlent de donner à Dieu, ils demandent surtout de donner l'argent au pasteur et à l'église. Quelle est la finalité inavouée de cette canalisation sélective des offrandes ? L'enrichissement personnel ?

Troisièmement, un certain Simon voulut acheter la grâce de Dieu et récolta une malédiction : « Quand Simon vit que l'Esprit Saint était donné par l'imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l'argent. "Donnez-moi, dit-il, ce pouvoir à moi aussi : que celui à qui j'imposerai les mains reçoive l'Esprit Saint." Mais Pierre lui répliqua : "Périsse ton argent, et toi avec lui, puisque tu as cru acheter le don de Dieu à prix d'argent » (Ac 8, 18-20) !

L'évangile rapporte que quelques femmes suivaient Jésus et les Apôtres et les assistaient de leurs biens (Lc 8, 1-3). Elles ne le faisaient pas pour obtenir une quelconque faveur ou la prospérité. Elles le faisaient de bon cœur, sans rien attendre en retour selon ce que Jésus a dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8).

Jésus nous encourage à donner : « Donnez, et l'on vous donnera ; c'est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu'on versera dans votre sein ; car de la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous en retour » (Lc 6, 38). Saint Paul ajoute : « Que chacun donne selon ce qu'il a décidé dans son cœur, non d'une manière chagrine ou contrainte ; car Dieu aime celui qui donne avec joie. Dieu d'ailleurs est assez puissant pour vous combler de toutes sortes de libéralités afin que, possédant toujours et en toute chose tout ce qu'il vous faut, il vous reste du superflu pour toute bonne œuvre » (2 Co 9, 6-8). Mais le scénario est le suivant : nous devons donner de bon cœur, ce que nous avons décidé librement, avec amour (1 Co 13, 3), sans nous faire voir (Mt 6, 1-3), sans rien attendre en retour (Lc 6, 33), comme des serviteurs inutiles (Lc 17, 10). Alors, Dieu nous récompensera d'une manière choisie par lui-seul, et nous donnera de surcroît la vie éternelle (Mt 25, 34-40).

En définitive, se convaincre que c'est en donnant (régulièrement) à Dieu une partie de ses richesses qu'on aura plus d'abondance matérielle, que l'on sera guéri ou exaucé est une négation même des Saintes Écritures qui disent du Seigneur : « Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides » (Lc 1, 53). Et encore : « Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres selon le monde comme riches dans la foi et héritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment ? Mais vous, vous méprisez le pauvre » (Jc 2, 5-6).

6. Les catholiques de la prospérité

L'évangile de la prospérité ne saurait être prêché dans l’Église catholique. Mais les comportements de certains fidèles montrent qu'ils sont mus par cette doctrine erronée. Quand on entend :

  • « Quelle prière dois-je prier pour être exaucé ? » comme s'il y a des prières par lesquelles on est exaucé et d'autres prières par lesquelles on ne l'est pas ;

  • « Comment prier pour être exaucé ? » comme s'il y avait une manière de prier en dehors du fait qu'il faut « adorer Dieu en esprit et en vérité » (Jn 4, 24) ;

  • « À quelle heure prier pour être exaucé ? » comme si Dieu changeait d'humeur en fonction du fuseau horaire et si Jésus avait déterminé des heures auxquelles il fallait prier ;

  • « Qu'ai-je fait au Seigneur pour mériter cela ? » comme si les épreuves ne devaient arriver qu'aux autres.

Ces questions montrent que ceux qui les énoncent sont convaincus que Dieu doit les exaucer coûte que coûte, qu'ils ne devraient pas subir l'épreuve parce qu'ils ont beaucoup prié, ou parce qu'ils ont fait beaucoup pour Dieu. Dans ces conditions, tous les moyens sont bons pour résoudre le problème : féticheurs, marabouts, astrologues, voyance sur internet, prières non catholiques, adhésion aux sectes, etc. Dans le cas de la recherche de maternité, en toute connaissance de cause, beaucoup sont prêts à essayer à grands frais l'insémination artificielle et la fécondation in vitro non conformes à la foi catholique, et qui ne marchent pas à tous les coups. Par toutes ces pratiques, on démontre à Dieu qu'on n'a pas la foi et qu'on n'est pas digne d'être exaucé (Mt 13, 58). Plusieurs fois en effet, Jésus a dit à ceux qu'il a guéris : « Ta foi t'a sauvé » (Mt 9, 22) !

La révolte de plusieurs chrétiens engagés contre Dieu lors des échecs sentimentaux, des échecs scolaires, des difficultés à trouver un emploi, un(e) fiancé(e), des longues maladies et surtout lors de la perte d'un proche laisse perplexe. Dans ce dernier cas, les questions fusent : Pourquoi Dieu n'a-t-il pas empêché cela ? Dieu ne pouvait-il pas le guérir ? Etc. On en vient même à refuser de prier ou d'aller à la messe du dimanche. Or, nous n'avons pas de conseils à donner à Dieu. Il a créé l'univers sans nous et nous n'avons pas à lui indiquer ce qu'il doit faire (Rm 11, 34).

Le deuil attriste. Quand Jésus s'est rendu au tombeau de Lazare, il pleura (Jn 11, 35). Mais Jésus nous a averti au sujet de la mort : « Vous ne savez ni le jour ni l'heure » (Mt 25, 13) ! Ainsi donc, lorsqu'on perd un proche parent, à un moment où l'on ne s'y attendait pas, Dieu n'a pas contredit sa Parole puisqu'il a prévenu que le jour et l'heure pouvaient nous surprendre. Si l'on a du mal à accepter cette éventualité, c'est que l'évangile de la prospérité avait déjà formaté les esprits et l'on entretenait l'illusion d'être à l'abri de toute épreuve en suivant Jésus.

Les groupes de prières doivent aussi s'examiner. Lorsque, avant les quêtes ou offrandes, on fait témoigner longuement des personnes qui disent avoir reçu de l'argent ou avoir été exaucées après avoir fait un don, n'est-on pas en train de laisser entendre à l'auditoire que l'on peut acheter des grâces ? Certains osent même aller plus loin, en invitant les fidèles à donner tout l'argent qu'ils ont dans leurs poches ou dans leurs sacs à main, parce qu'ils seront récompensés. Nous pensons que cela n'est pas du tout approprié, puisque chacun doit donner librement ce qu'il a décidé dans son cœur (2 Co 9, 7).

Enfin, la pratique dans certaines églises protestantes, qui consiste à collecter en plusieurs temps, l'offrande de ceux qui peuvent donner une grosse somme, puis celle de ceux qui peuvent donner moins d'argent, ne devrait pas être imitée dans l’Église catholique. Jésus avait dit en effet : « Quand donc tu fais l'aumône, ne va pas le claironner devant toi ; ainsi font les hypocrites, dans les synagogues et les rues, afin d'être glorifiés par les hommes ; en vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 2-4).


Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso)


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