« Protester » signifie montrer son opposition, critiquer, refuser, se révolter, etc. Le protestantisme est apparu au XVIème siècle. Il est l’œuvre de la figure centrale du moine catholique Martin Luther (1483 – 1546). Il propose une réforme des doctrines de l’Église catholique connue sous le nom de Réforme protestante, donnant lieu à des églises dites réformées.

1. Biographie de Luther

Martin Luther est né le 10 novembre 1483 à Eisleben (aujourd'hui Saxe-Anhalt) en Allemagne, et est mort dans la même ville le 18 février 1546 à l'âge de 63 ans. Son père, Hans Luther, était un riche industriel spécialisé dans le raffinage du cuivre qui devint conseiller municipal de Mansfeld en 1492.

Martin Luther est d'abord inscrit dans une école en 1488 où il apprit le latin et reçut l'instruction religieuse. En 1497, il continue sa scolarité dans une école gérée par des moines religieux, les Frères de la Vie Commune. En 1501, il est inscrit à l'université prestigieuse d'Erfurt où il obtient le baccalauréat en 1502 et la maîtrise en philosophie en 1505.

Il commence alors des études de droit. Mais six semaines seulement après, contre la volonté de son Père, il abandonne cette carrière prestigieuse pour entrer dans un monastère à Erfurt de l'Ordre des ermites de saint Augustin. La raison est qu'étant dans un orage violent, il fit la promesse au Seigneur de devenir moine s'il survivait. Il est ordonné prêtre en 1507. Il commence alors des études à l'université d'Erfurt en vue d'obtenir le doctorat en théologie.

En 1510, il fit un voyage à Rome au cours duquel il est déçu par le faste du clergé. Après l'obtention de son doctorat en théologie en 1512, il devient professeur de Bible à l'université de Wittenberg, ville dans laquelle il était également prédicateur de paroisse à partir de 1514.

En 1517, Luther entre en conflit avec le Pape dans ce qu'on appela la querelle des indulgences. En vue de la construction de la basilique saint Pierre, le Pape avait proposé des indulgences dont l’œuvre demandée était une contribution financière. Des prédicateurs très zélés comme le dominicain Johan Tetzel encourageaient les fidèles à cette donation avec des explications saugrenues qui offusquèrent Luther. Le 31 octobre 1517, veille de la Toussaint, Luther affiche ses 95 thèses sur les portes de l'église de Wittenberg. Cette date est généralement considérée comme le début du protestantisme. Certains historiens remettent en cause le fait que les thèses aient vraiment été affichées. Ces thèses ont été très vites répandues, dans plusieurs langues, à l'aide de l'imprimerie qui venait d'être inventée par Gutemberg.

2. La naissance du protestantisme

En affichant ses thèses, Luther n'entendait pas se séparer de l’Église catholique. Il ne contestait pas l'autorité du Pape qu'il cite plusieurs fois, ni le pouvoir des clés (Thèse 26). Il pensait cependant que le purgatoire est vécu sur le lit de mort (Thèses 14 et 15). La manière dont les indulgences étaient prêchées et justifiées étaient un scandale et la publication des thèses invitait à repenser la question.

Mais le contexte politique, social et religieux compliqua la situation qui devint conflictuelle. Luther et ses partisans enseignaient aussi de nouvelles doctrines, notamment le salut par la foi seule. À cette période, Luther publie plusieurs livres pour défendre ses points de vue. Il est confronté à plusieurs envoyés du Pape et refuse de se rétracter. Finalement, le 15 juin 1520, le Pape Léon X publie la bulle pontificale Exsurge Domine (Lève-toi Seigneur) qui condamne Martin Luther et ses disciples, citant expressément 41 de leurs doctrines qualifiées de « destructrices, pernicieuses, scandaleuses et séduisantes aux esprits pieux et simples, opposées à la charité et au respect envers la sainte Église Romaine. » Le 10 décembre 1520, à Wittenberg, Luther brûle publiquement une copie de la bulle du Pape. Il est excommunié le 3 janvier 1521 par la bulle Decet Romanum Pontificem (Il sied au Pontife Romain).

Alors, la politique s'en mêle. Ordinairement, ceux qui étaient condamnés comme hérétiques étaient mis à mort par le feu par une autorité du gouvernement laïc. Mais dans le cas de Luther, plusieurs facteurs rendit cela impossible. L'électeur Frédéric III le Sage de Saxe a influencé la décision de faire convoquer Luther à la Diète (Assemblée) sous la protection de l’empereur. Il comparaît le 17 avril où il fait cette déclaration solennelle : « À moins d’être convaincu par le témoignage de l’Écriture et par des raisons évidentes, car je ne crois ni à l’infaillibilité du Pape ni à celle des conciles, puisqu’il est établi qu’ils se sont souvent trompés et contredits, je suis lié par les textes bibliques que j’ai cités. Tant que ma conscience est captive de la parole de Dieu, je ne puis ni ne veux rien rétracter, car il n’est ni sûr ni salutaire d’agir contre sa conscience » [1].

Luther fut amené au château de Wartbourg, puis rejoint Wartburg l'année suivante. Là, il commença sa traduction allemande de la Bible et publia d'autres livres pour organiser le nouveau mouvement religieux qu'il venait de créer, notamment son grand et son petit catéchisme. Il garde comme sacrements la Cène et le baptême. Il adopte l'allemand comme langue liturgique. Il supprime les vœux monastiques, le célibat des prêtres, et se marie à une ancienne religieuse du nom de Catherine de Bora, en 1525, et eu six enfants.

3. La justification par la foi

Une des grandes nouveautés dans la nouvelle religion de Luther est qu'on est sauvé par la foi seule. Lorsqu'il publiait les 95 thèses, il croyait aussi aux mérites. Il écrit : « Il faut exhorter les chrétiens à s'appliquer à suivre Christ leur chef à travers les peines, la mort et l'enfer, et à entrer au ciel par beaucoup de tribulations plutôt que de se reposer sur la sécurité d'une fausse paix » (Thèses 94 et 95).

Cependant, une année avant sa mort, il rapporte aux années 1515 – 1519 deux thèmes majeurs qui ont marqué sa réflexion. Dans la doctrine catholique, Dieu récompense les bons et châtie les méchants. En tant que moine, Luther était préoccupé de savoir comment il pouvait avoir assez de mérites pour être sauvé. C'est dans la lettre aux Romains qu'il fit une grande trouvaille. Voici ce qu'il écrit :

« Entre temps, cette même année, j’étais encore revenu au Psautier pour l’interpréter à nouveau, persuadé que j’étais plus exercé après avoir traité dans mes cours les épîtres de Paul aux Romains, aux Galates, et celle qui est aux Hébreux. J’avais été saisi par un désir, certes étonnant, de connaître Paul dans l’épître aux Romains, mais ce qui avait jusque-là constitué un obstacle n’était pas un sang différent dans les entrailles, mais un seul mot, qui se trouve au chapitre 1 : "La justice de Dieu est révélée en lui (l’Évangile)." Je haïssais, en effet, ce terme "Justice de Dieu", que j’avais appris, selon l’usage et la coutume de tous les docteurs, à comprendre philosophiquement comme la justice formelle et active, par laquelle Dieu est juste, et punit les pécheurs et les injustes.

Or, moi qui, vivant comme un moine irréprochable, me sentais pécheur devant Dieu avec la conscience la plus troublée et ne pouvais trouver la paix par ma satisfaction, je haïssais d’autant plus le Dieu juste qui punit les pécheurs, et je m’indignais contre ce Dieu, nourrissant secrètement sinon un blasphème, du moins un violent murmure ; je disais : "Comme s’il n’était pas suffisant que des pécheurs misérables et perdus éternellement par le péché originel soient accablés de toutes sortes de maux par la loi du Décalogue, pourquoi faut-il que Dieu ajoute la souffrance à la souffrance et dirige contre nous, même par l’Évangile, sa justice et sa colère ?" J’étais ainsi hors de moi, le cœur en rage et bouleversé, et pourtant, intraitable, je bousculai Paul à cet endroit, désirant ardemment savoir ce que Paul voulait.

Jusqu’à ce qu’enfin, Dieu ayant pitié, et alors que je méditais jours et nuits, je remarquais l’enchaînement des mots, à savoir : "La justice de Dieu est révélée en lui, comme il est écrit : Le juste vit de la foi" ; alors, je commençai à comprendre que la justice de Dieu est celle par laquelle le juste vit du don de Dieu, à savoir de la foi et que la signification était celle-ci : par l’Évangile est révélée la justice de Dieu, à savoir la justice passive, par laquelle le Dieu miséricordieux nous justifie par la foi, selon qu’il est écrit : Le juste vit de la foi. Alors, je me sentis un homme né de nouveau et entré, par les portes grandes ouvertes, dans le paradis même. À l’instant même, l’Écriture m’apparut sous un autre visage. Je parcourais ensuite les Écritures, telles que ma mémoire les conservait, et je relevais l’analogie pour d’autres termes : ainsi, l’œuvre de Dieu, c’est ce que Dieu opère en nous, la puissance de Dieu, c’est celle par laquelle il nous rend capables, la sagesse de Dieu, celle par laquelle il nous rend sages, la force de Dieu, le salut de Dieu, la gloire de Dieu.

Alors, autant était grande la haine dont j’avais haï auparavant ce terme : "la justice de Dieu", autant j’exaltai avec amour ce mot infiniment doux, et ainsi, ce passage de Paul fut vraiment pour moi la porte du paradis » [2].

Cette confidence soulève quelques difficultés. Selon la Bible, la foi a été transmise « une fois pour toutes » (Jude 3) par Jésus-Christ. Elle est donc reçue de Dieu et non élaborée à partir d'une étude biblique, encore moins taillée sur mesure pour s’accommoder avec ses conceptions ou ses représentations personnelles du salut. Luther lui-même se rendit compte de l'incompatibilité de cette nouvelle doctrine avec les autres passages de l'Écriture. Par exemple, saint Jacques écrit : « À quoi cela sert-il, mes frères, que quelqu'un dise : "J'ai la foi", s'il n'a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? Ainsi en est-il de la foi : si elle n'a pas les œuvres, elle est tout à fait morte. Au contraire, on dira : "Toi, tu as la foi, et moi, j'ai les œuvres ? Montre-moi ta foi sans les œuvres ; moi, c'est par les œuvres que je te montrerai ma foi » (Jc 2, 14.17-18).

Malheureusement, Luther maintint et propagea sa doctrine dite de la « sola fidei » (la foi seule) selon laquelle on est sauvé uniquement par la foi. Il traita la lettre de Jacques « d'épître de paille, qui n’a rien d’évangélique, ni d’apostolique » [3] et douta de sa place dans le canon de la Bible.

4. Autres figures de la Réforme

Vers 1550, le luthéranisme était implanté un peu partout dans le Saint-Empire romain germanique et dans une grande partie des pays scandinaves. Du vivant de Luther, d'autres réformateurs se sont illustrés :

  • Le suisse Ulrich Zwingli (1484 – 1531) : prêtre catholique, curé de la ville de Zurich. Zwingli commença à prêcher l'évangile de Mathieu puis les Actes des Apôtres de façon littérale. En 1523, il publie 67 thèses, et commença à prêcher sur la seule base des Écritures. Ses principales affirmations furent adoptés par la plupart des prêtres du district. On commença alors à bafouer le célibat des prêtres. Il réfuta la tradition du jeûne pendant le Carême. Il créa un séminaire théologique pour former les pasteurs réformés. Il retira les images et les orgues des églises, remplaça la messe par un simple service de communion. Zwingli rencontra Luther en 1529 à Marburg. Ils s'accordent sur 14 points de doctrine mais débattent sur l'Eucharistie. Luther croyait à la présence réelle. Pour Zwingli par contre, le pain et le vin sont des signes de la présence du Christ, car pour lui, le Christ étant monté au ciel et désormais à la droite de Dieu ne peut pas être en même temps physiquement présent dans le pain et le vin. Zwingli persécuta les mouvements anabaptistes qui refusent le baptême des enfants et meurt au cours d'une guerre qu'il menait contre eux.

  • Le français Jean Calvin (1509 – 1564) fit ses études universitaires à Paris. Il est influencé par le courant de la Renaissance et de l'humanisme qui prônent un retour à la Bible. En 1533, il quitte subitement Paris alors que le gouvernement devenait plus sévère à l'égard du mouvement de la réforme et qu'il était impliqué à la préparation d'une déclaration publique sur des principes théologiques favorables à la Réforme. Il alla vers Bâle alors protestante, puis va en Suisse. Il publia un livre Instituts en 1536 qui lui valut une bonne réputation parmi les dirigeants protestants. Il contribua au rayonnement du protestantisme à Genève avant de gagner l'Allemagne et de revenir en Suisse. À la différence de Luther, Calvin croit qu'un petit nombre d'élus est prédestiné à être sauvé.

On considère que la Réforme protestante a eu des précurseurs lointains qui rejetaient l'autorité de l’Église et qui enseignaient déjà telle ou telle doctrine reprise par les réformateurs. On cite Pierre Valdo (1140 – 1217) en France, John Wyclif (vers 1328 – 1384) en Angleterre, Jan Hus (1369 – 1415) et Jérôme de Prague (vers 1379-1416) en Bohême, les humanistes Érasme (1469 – 1536) et Lefèvre d’Étaples (1450 – 1537). Ces deux derniers sont tous traducteurs de la Bible au début du XVIe siècle. En revanche, les cathares (XIe – XIIIe siècles), et des personnages comme Savonarole (1452 – 1498) ne sont pas considérés comme des précurseurs de la Réforme.

L'expansion du mouvement de la Réforme a été accompagnée de nombreux conflits souvent sanglants. L'accord de paix d'Augsbourg de 1555 ramena une certaine paix. Elle stipule que les princes pouvaient librement choisir entre le catholicisme et le luthéranisme pour leur région.

Pour faire face à la Réforme protestante, l’Église a organisé la Contre-Réforme à travers la convocation du Concile de Trente (1545 – 1563) qui a reconsidéré les abus et réaffirmé les principales doctrines catholiques.

Notes : 

[1] Luther, Édition de Weimar, VII, 838, 3-8.

[2] Martin Luther, Préface au premier volume des œuvres latines de l’édition de Wittenberg, in Id., Œuvres [désormais MLO], t. VII, trad. Pierre Jundt, Jean Bosc, Genève, Labor et Fides, 1962 (1545), p. 306 sq.

[3] Pascal Hickel. Les préfaces de Luther à la Bible (1522-1546) : analyse et traduction annotée (Thèse de Doctorat), Université de Strasbourg, 2019, p. 115.


Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso)


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