L’utilisation des langues dans l’histoire d’Israël et de l’Église

Dieu s’est librement choisi un peuple qu’il a préparé à recevoir son Fils. Le peuple d’Israël utilisait l’hébreu comme langue de tous les jours et pour le culte du Temple. Quelques siècles avant Jésus Christ, les grecs dominaient la région, et la langue grecque était de plus en plus connue. C’est ainsi qu’au milieu du IIIème siècle avant Jésus-Christ, des savants hébreux commencèrent la traduction de l’Ancien Testament (Bible hébraïque) en grec à l’attention des Juifs qui vivaient hors de Jérusalem (Alexandrie en Égypte, Corinthe et Éphèse dans la Turquie actuelle, etc.)

L’araméen, une variante de l’hébreu, était la langue courante parlée par Jésus et ses concitoyens. A sa mort, Pilate rédigea un écriteau et fit placer sur la croix. Il y était écrit : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs » en hébreu, en latin et en grec (cf. Jn 19, 19-20). Le grec étant la langue savante et c’est naturellement que tout le Nouveau Testament fut écrit en grec (de même que de nos jours au Burkina, les journalistes rapporteraient un événement en français bien que les intervenants aient utilisé leur langue maternelle).

Puis, la civilisation latine supplanta la civilisation hellénistique (grecque). De ce fait, l’Ancien Testament et le Nouveau Testament furent traduits dès les premiers siècles en latin. La traduction de Saint Jérôme appelée Vulgate (c’est-à-dire, écrite dans la langue du vulgus, du peuple ; même radical que vulgariser, vulgaire, etc.) fut utilisée dans l’Église pendant des siècles à la messe célébrée en latin. En Europe, le latin était la langue d’étude, connue de tous : ce n’est qu’en 1637 que Descartes en France écrivit son Discours de la méthode, le premier livre philosophique dans une autre langue que le latin.

C’est au Concile Vatican II (1962 – 1965) que l’utilisation des langues vernaculaires à la messe fut autorisée. A ce moment là, l’Évangile avait atteint, en plus de l’Europe, plusieurs parties du monde (Afrique noire, Amérique, Asie) et la connaissance du latin n’était plus généralisée parmi les chrétiens. Or, « notre Sauveur, à la dernière Cène, la nuit où il était livré, institua le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au long des siècles, jusqu’à ce qu’il vienne, et pour confier ainsi à l’Église, son Épouse bien-aimée, le mémorial de sa mort et de sa résurrection : sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité, banquet pascal dans lequel le Christ est mangé, l’âme est comblée de grâce, et le gage de la gloire future nous est donné .

Aussi l’Église se soucie-t-elle d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi [la messe] comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée, soient formés par la Parole de Dieu, se restaurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu ; qu’offrant la victime sans tache, non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et, de jour en jour, soient consommés, par la médiation du Christ, dans l’unité avec Dieu et entre eux pour que, finalement, Dieu soit tout en tous » (Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium, n°47-48).

Le Dieu chrétien est Emmanuel ; il s’adresse à chacun dans sa langue

Dieu ne s’est pas contenté de parler à son peuple de loin, par l’intermédiaire des prophètes. Dieu n’est pas un Dieu étranger au monde, qui lui donne des lois et attend le dernier jour pour juger les hommes. Jésus n’est pas un simple prophète, chargé de transmettre aux hommes des paroles de Dieu. Dieu s’est incarné, c’est-à-dire, qu’il est venu lui-même dans le monde, prenant la condition humaine, en Jésus Christ. Le Dieu chrétien est Emmanuel, c’est-à-dire, Dieu avec nous, Dieu qui habite parmi nous, par Jésus Christ.

En effet, « après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles » (He 1, 1-2).

Après sa mort, sa Résurrection et son ascension dans le Ciel, Jésus est présent par son Esprit Saint qu’il donne aux croyants. « Le jour de la Pentecôte étant arrivé, les disciples se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand, tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. Ils virent apparaître des langues qu'on eût dites de feu ; elles se partageaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux. Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint et commencèrent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. Or il y avait, demeurant à Jérusalem, des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui se produisit, la multitude se rassembla et fut confondue : chacun les entendait parler en son propre idiome. Ils étaient stupéfaits, et, tout étonnés, ils disaient : "Ces hommes qui parlent, ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il alors que chacun de nous les entende dans son propre idiome maternel ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et d'Asie, de Phrygie et de Pamphylie, d'Egypte et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, romains en résidence, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu !" Tous étaient stupéfaits et se disaient, perplexes, l'un à l'autre : "Que peut bien être cela ?" D'autres encore disaient en se moquant : "Ils sont pleins de vin doux !" » (Ac 2, 1-13).

La prière, un dialogue avec Dieu

Jésus enseignait aux foules dans leur langue. Il écoutait et exauçait leurs prières. Les exemples sont légion dans l’Évangile. En voici quelques uns :

- « Seigneur ! aie pitié de nous, fils de David » : les aveugles de Jérico (Mt 20, 29-34)

- « Ma fille est à toute extrémité, viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive » : la demande de Jaïre (Mc 5, 21-43)

- « Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! » : la repentance du publicain (Lc 18, 13)

- Etc.

Souvent, les demandeurs n’ont pas eu besoin même de parler ; c’est le cas :

- des quatre transporteurs du paralytique (Mc 2, 1-12)

- de la femme malade depuis douze ans qui a touché son vêtement (Mc 5, 25-34)

Dieu est proche de l’homme et l’aime. Il s’adresse à chacun dans son contexte et dans sa propre langue (cf. Pentecôte). L’homme répond à cet amour de Dieu par la prière. La prière peut être silencieuse ou vocale ; c’est un temps de cœur à cœur avec Dieu qui comprend la langue de tout homme. Le Psalmiste s’écriait :

« Tu me scrutes, Seigneur, et tu sais !
Tu sais quand je m’assois, quand je me lève ;
de très loin, tu pénètres mes pensées.
Que je marche ou me repose, tu le vois,
tous mes chemins te sont familiers.
Avant qu’un mot ne parvienne à mes lèvres,
déjà, Seigneur, tu le sais » (Ps 138, 1-4).

Dans sa vie terrestre, Jésus a prié et nous a appris à prier. En nous demandant de prier en « esprit et en vérité » (cf. Jn 4, 24), il traduisait la nécessité que celui qui prie comprenne bien le sens des paroles qu’il lui adresse. Il ajoute : « Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s'imaginent qu'en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N'allez pas faire comme eux ; car votre Père sait bien ce qu'il vous faut, avant que vous le lui demandiez » (Mt 6, 7-8).

C’est avec cette assurance, que les chrétiens s’adressent chaque jour à Dieu, spontanément, dans la langue de leur choix, esprit et en vérité. Dieu qui a créé le grec, l'hébreu et le latin, créa aussi toutes les autres langues pour sa gloire.

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