La confession des péchés chez un prêtre est considérée comme chose étrange chez les protestants. Plus étranges encore pour eux sont les prières, jeûnes et autres pénitences que le prêtre propose à la suite de la confession, puisque « le sang de Jésus nous purifie de tout péché » (1 Jn 1, 7). D'une manière générale, fidèles à la doctrine de la « sola fidei » (seule la foi sauve) et de la « sola gratia » (on est sauvé uniquement par la grâce de Dieu), les protestants ont du recul vis-à-vis du jeûne et autres actes de pénitence que s'imposent les catholiques à l'occasion du sacrement de la Réconciliation, pendant le carême ou à d'autres moments. Qu'en dit vraiment la Bible ?

1. La nécessité de réparer des offenses

Lorsqu'une personne a volé un objet, ou a détourné de l'argent, qu'il regrette sa faute et demande pardon à Dieu, n'a-t-il pas le devoir moral, s'il est vrai avec lui-même, de restituer ensuite l'objet volé qu'il détient encore par-devers lui, ou l'argent frauduleusement acquis d'une manière ou d'une autre ? Ce n'est que justice.

Si quelqu'un salit votre réputation par de vilaines calomnies, qu'il regrette son acte et demande pardon à Dieu, ne souhaiteriez-vous pas ardemment qu'il vienne s'excuser auprès de vous et qu’il rétablisse la vérité à votre sujet ? Jésus renchérit : « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes » (Mt 7, 12).

Zachée a eu l'honneur d'accueillir Jésus chez lui. Le cœur contrit, il annonce au Maître les actes de réparation qu'il a décidés spontanément. Jésus les approuve : « Zachée, debout, dit au Seigneur : "Voici, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai extorqué quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple." Et Jésus lui dit : "Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison, parce que lui aussi est un fils d'Abraham" » (Lc 19, 8-9).

Contrairement au vol où il est possible de remettre ce qui a été dérobé, pour l'adultère, l'avortement (IVG) et bien d'autres péchés qui causent du tort à Dieu, à l’Église, au prochain et à soi-même, il n'est pas possible de réparer de la même manière. Dans ces conditions, la pénitence proposée par le prêtre à l'occasion de la confession a pour but de marquer le regret, et constitue un effort concret de réparation, qui ne sera jamais à la hauteur du péché commis que Dieu pardonne.

C'est pourquoi, saint Paul, à l'instar du prophète Baruch, semble exiger plus d'efforts de la part de ceux qui avaient péché autrefois : « Comme votre pensée fut d'égarement loin de Dieu, revenus à lui, recherchez-le dix fois plus fort » (Ba 4, 28). « Car si vous avez jadis offert vos membres comme esclaves à l'impureté et au désordre de manière à vous désordonner, offrez-les de même aujourd'hui à la justice pour sanctifier » (Rm 6, 19).

Ainsi, « la pénitence que le confesseur impose doit tenir compte de la situation personnelle du pénitent et doit chercher son bien spirituel. Elle doit correspondre autant que possible à la gravité et à la nature des péchés commis. Elle peut consister dans la prière, une offrande, dans les œuvres de miséricorde, le service du prochain, dans des privations volontaires, des sacrifices, et surtout dans l’acceptation patiente de la croix que nous devons porter. De telles pénitences aident à nous configurer au Christ qui, seul, a expié pour nos péchés (cf. Rm 3, 25 ; 1 Jn 2, 1-2) une fois pour toutes. Elles nous permettent de devenir les cohéritiers du Christ ressuscité, "puisque nous souffrons avec lui" (Rm 8, 17) » (Catéchisme de l’Église catholique, n°1460).

2. La charité couvre une multitude de péchés

Il faut aussi remarquer que les péchés entraînent des désordres, des souffrances qui perdurent même après avoir été pardonnés par Dieu. C'est ce qu'on appelle les peines temporelles. Par exemple, par la faute d'Adam et Ève, la mort est entrée dans le monde (Rm 5, 14) et malgré que Jésus ait souffert pour nous arracher du péché, les hommes continuent de mourir. La bonne nouvelle est que c'est une constante dans l'Ancien et le Nouveau Testament que les bonnes œuvres, les œuvres de miséricorde, les actes de pénitence, notamment ceux qui sont proposés à l'occasion de la confession participent à la réduction des peines temporelles du péché :

  • « La haine allume des querelles, l'amour couvre toutes les offenses » (Pr 10, 12) ;

  • « Par la piété et la fidélité on expie la faute, par la crainte de Yahvé on s'écarte du mal » (Pr 16, 6) ;

  • « L'aumône sauve de la mort et elle purifie de tout péché » (Tb 12, 9) ;

  • « Celui qui honore son père expie ses fautes. L'eau éteint les flammes, l'aumône remet les péchés » (Si 3, 3.30) ;

  • « Mes frères, si quelqu'un parmi vous s'égare loin de la vérité et qu'un autre l'y ramène, qu'il le sache : celui qui ramène un pécheur de son égarement sauvera son âme de la mort et couvrira une multitude de péchés » (Jc 5, 19-20) ;

  • « Avant tout, conservez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés » (1 P 4, 8)

Il est à noter que les actes de miséricorde en eux-mêmes n'effacent pas les péchés. Le remède au péché grave est le sacrement de la réconciliation ou confession que Jésus a jugé nécessaire d'instituer en disant aux Apôtres : « Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20, 22-23).

3. Les pénitences habituelles

En dehors du contexte de la confession, le jeûne a été expressément prescrit par Jésus-Christ :

  • « Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite, pour que les hommes voient bien qu'ils jeûnent. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 16-18) ;

  • « Les disciples de Jean s'approchent de lui en disant : "Pourquoi nous et les Pharisiens jeûnons-nous, et tes disciples ne jeûnent pas ?" Et Jésus leur dit : "Les compagnons de l'époux peuvent-ils mener le deuil tant que l'époux est avec eux ? Mais viendront des jours où l'époux leur sera enlevé ; et alors ils jeûneront » (Mt 9, 14-15).

On peut dire sans se tromper que l’Époux a été enlevé, c'est-à-dire, qu'il est monté au ciel (Lc 24, 51) et que nous sommes dans le temps où l'on peut jeûner. Le jeûne ainsi que les autres privations, l'ascèse, les mortifications, les efforts de carême, etc., ont pour but de rendre le chrétien plus apte à obtenir la vie éternelle selon le mot de l'Apôtre : « Je meurtris mon corps au contraire et le traîne en esclavage, de peur qu'après avoir servi de héraut pour les autres, je ne sois moi-même disqualifié » (1 Co 9, 27).

Toutefois, les protestants se focalisent sur certains versets pour rejeter le devoir de faire des œuvres qui concourent au salut parce que croire en Jésus suffirait. Par exemple :

  • « La preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. Combien plus, maintenant justifiés dans son sang, serons-nous par lui sauvés de la colère » (Rm 5, 8-9 ; He 10, 10) ?

  • « Il n'y a donc plus maintenant de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus » (Rm 8, 1).

Or, cela signifie simplement que c'est en Jésus-Christ que « nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce » (Ep 1, 7). Sans ce sang versé, nous ne pourrions pas avoir le pardon de nos péchés. Cela ne nous dispense pas de faire des bonnes œuvres et des actes de pénitence comme le requièrent les Écritures, puisque les Apôtres ont partout « prêché qu'il fallait se repentir et revenir à Dieu en faisant des œuvres qui conviennent au repentir » (Ac 26, 20). C'est encore eux qui ont donné cet ordre : « Travaillez avec crainte et tremblement à accomplir votre salut » (Ph 2, 12) ! Ils soulignaient par là qu'il ne fallait pas se contenter de dire qu'on a la foi et que cela suffit pour être sauvé, sans rien faire, puisque chacun sera jugé selon ses œuvres (Dn 12, 2 ; 2 Co 5, 10).

4. Pénitence et conversion

« Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée, proclamant l’Évangile de Dieu en disant : "Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à l’Évangile" » (Mc 1, 14-15). Le mot grec utilisé par l'évangéliste pour dire repentez-vous (autre traduction : convertissez-vous) est dérivé du mot « metanoia » qui signifie littéralement « changer d'esprit, de mentalité ».

Pénitence et metanoia sont intimement liés et impliquent aussi bien un changement d'esprit qu'un changement de comportement : « Ou bien méprises-tu ses richesses de bonté, de patience, de longanimité, sans reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse au repentir ? Par ton endurcissement et l'impénitence de ton cœur, tu amasses contre toi un trésor de colère, au jour de la colère où se révélera le juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres » (Rm 2, 4-6).

Or, la conversion n'est pas théorique mais doit s'accompagner d'actes concrets que l'on pourrait qualifier d'actes de pénitence. Jean le Baptiste disait : « Produisez donc des fruits dignes du repentir, et n'allez pas dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham. Car je vous dis que Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham » (Lc 3, 8). Et il donnait des pénitences précises : « Et les foules l'interrogeaient, en disant : "Que nous faut-il donc faire ?" Il leur répondait : "Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même" » (Lc 3, 10-11).

On voit dans l'Ancien Testament des actes de pénitence qui accompagnent la demande de pardon :

  • « Mais encore à présent – oracle de Yahvé – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les pleurs et les cris de deuil. Déchirez votre cœur, et non vos vêtements, revenez à Yahvé, votre Dieu, car il est tendresse et pitié, lent à la colère, riche en grâce, et il a regret du mal » (Jl 2, 12-13) ;

  • « Et le Seigneur Yahvé Sabaot vous a appelés, en ce jour-là, à pleurer et à vous lamenter, à vous tondre et à ceindre le sac » (Is 22, 12) ;

  • « Quand Achab entendit ces paroles, il déchira ses vêtements, mit un sac à même sa chair, jeûna, coucha avec le sac et marcha à pas lents. Alors la parole de Yahvé fut adressée à Élie le Tishbite en ces termes : "As-tu vu comme Achab s'est humilié devant moi ? Parce qu'il s'est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur pendant son temps ; c'est au temps de son fils que je ferai venir le malheur sur sa maison" » (1 R 21, 27-29).

Dans le Nouveau Testament, ces pratiques de privations et d'humiliation volontaires sont encore d'actualité pour accompagner la demande de pardon, ou pour demander une grâce particulière :

  • Les pécheurs se déplaçaient dans le désert pour écouter Jean-Baptiste et recevoir son baptême de conversion (Mt 3, 1-12) ;

  • chez le Pharisien Simon, Jésus, dit en « se tournant vers la femme : "Tu vois cette femme ? Dit-il à Simon. Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, au contraire, m'a arrosé les pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas donné de baiser ; elle, au contraire, depuis que je suis entré, n'a cessé de me couvrir les pieds de baisers. Tu n'as pas répandu d'huile sur ma tête ; elle, au contraire, a répandu du parfum sur mes pieds. À cause de cela, je te le dis, ses péchés, ses nombreux péchés, lui sont remis parce qu'elle a montré beaucoup d'amour. Mais celui à qui on remet peu montre peu d'amour." Puis il dit à la femme : "Tes péchés sont remis" » (Lc 7, 44-48) ;

  • « Vraiment, si je vous ai attristés par ma lettre, je ne le regrette pas. Et si je l'ai regretté – je vois bien que cette lettre vous a, ne fût-ce qu'un moment, attristés – je m'en réjouis maintenant, non de ce que vous avez été attristés, mais de ce que cette tristesse vous a portés au repentir. Car vous avez été attristés selon Dieu, en sorte que vous n'avez, de notre part, subi aucun dommage. La tristesse selon Dieu produit en effet un repentir salutaire qu'on ne regrette pas ; la tristesse du monde, elle, produit la mort. Voyez plutôt ce qu'elle a produit chez vous, cette tristesse selon Dieu. Quel empressement ! Que dis-je ? Quelles excuses ! Quelle indignation ! Quelle crainte ! Quel ardent désir ! Quel zèle ! Quelle punition » (2 Co 7, 8-11) !

  • « En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église » (Col 1, 24).

Comme on peut le voir, l'invitation à être toujours dans la joie (1 Th 5, 16-18) n'est pas contradictoire avec la pratique d'actes de pénitence. C'est même une obligation de les pratiquer selon la recommandation de l'Apôtre : « Soumettez-vous donc à Dieu ; résistez au diable et il fuira loin de vous. Approchez-vous de Dieu et il s'approchera de vous. Purifiez vos mains, pécheurs ; sanctifiez vos cœurs, gens à l'âme partagée. Voyez votre misère, prenez le deuil, pleurez. Que votre rire se change en deuil et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera » (Jc 4, 7-10).


Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso)


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