Luther, le fondateur du protestantisme, a rejeté vigoureusement l'idée du sacerdoce ministériel tel que pratiqué chez les catholiques, c'est-à-dire, l'existence de diacres, de prêtres et d'évêques qui reçoivent leur « pouvoir » par le sacrement de l'ordre. Au contraire, il a enseigné le sacerdoce de tous les croyants, c'est-à-dire, que tous les chrétiens sont égaux de par leur baptême et constituent un peuple de prêtres. Pourtant, le sacerdoce ministériel catholique a des bases bibliques.

1. Le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel

La Bible enseigne que nous sommes un peuple de prêtres : c'est le sacerdoce commun des fidèles, encore appelé « sacerdoce baptismal ».

  • « Mais vous, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9) ;

  • « Il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père : à lui donc la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen » (Ap 1, 6) ;

  • « Ils chantaient un cantique nouveau : Tu es digne de prendre le livre et d'en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation ; tu as fait d'eux pour notre Dieu une Royauté de prêtres régnant sur la terre » (Ap 5, 9-10).

Le sacerdoce commun signifie que tous les fidèles participent, chacun selon sa vocation et son charisme, à la mission du Christ, grand Prêtre, Prophète et Roi. Dans le sacerdoce commun, les fidèles offrent à Dieu des « sacrifices spirituels » (1 P 2, 5), « leur corps en hosties vivantes » (Rm 12, 1), « un sacrifice de louange en tout temps, c'est-à-dire, le fruit de lèvres qui confessent son nom » (He 13, 15), ainsi que la pratique de la bienfaisance et de mise en commun, qui sont autant de sacrifices qui plaisent à Dieu (He 13, 16).

Cependant, force est de constater que nous ne sommes pas tous rois au sens strict, ni prophètes au sens strict selon qu'il est écrit : « Tous sont-ils apôtres ? Tous prophètes ? Tous docteurs ? Tous font-ils des miracles » (1 Co 12, 29) ? Par conséquent, les fidèles ne sont pas tous prêtres au sens strict. Il y a donc parmi les baptisés, des personnes qui assument spécifiquement cette fonction de prêtre : c'est le sacerdoce ministériel qui a été institué par Jésus-Christ.

De plus, parlant des prêtres de l'Ancien Testament issus de la tribu de Lévi, la lettre aux Hébreux déclare : « Ceux-là sont devenus prêtres en grand nombre, parce que la mort les empêchait de durer ; mais lui, du fait qu'il demeure pour l'éternité, il a un sacerdoce immuable » (He 7, 23-24). Si nous étions tous prêtres au sens strict, c'est-à-dire, prêtres en grand nombre, il n'y aurait pas de raison que Jésus inaugure un sacerdoce immuable, pour l'éternité.

Il faut également noter que le passage en 1 P 2, 9 mentionné ci-dessus reprend simplement ce que Dieu avait déclaré dans l'Ancien Testament : « Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi. Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation sainte. Voilà les paroles que tu diras aux Israélites » (Ex 19, 5-6). En d'autres termes, dès l'Ancien Testament, le peuple de Dieu était déjà considéré comme un « peuple de prêtres » bien que tout le monde ne fut pas prêtre (lévite) au sens strict. Quelques versets plus loin, Dieu lui-même demande au peuple de ne pas s'approcher de la montagne du Sinaï et précise que cette mesure concerne également une autre catégorie précise de personnes, les prêtres ayant reçu cette charge, qui doivent se sanctifier (Ex 19, 20-24).

2. Le sacerdoce ministériel catholique annoncé dans l’Ancien Testament

Dans l'Ancien Testament, Dieu était surtout connu des Israélites et les prêtres étaient de la tribu de Lévi. Par le prophète Isaïe, Dieu va annoncer un grand changement : non seulement, il sera connu de tous les peuples, mais surtout, il y aura des prêtres parmi les non Juifs : « Mais moi je viendrai rassembler toutes les nations et toutes les langues, et elles viendront voir ma gloire. Je mettrai chez elles un signe et j'enverrai de leurs survivants vers les nations : vers Tarsis, Put, Lud, Méshek, Tubal et Yavân, vers les îles éloignées qui n'ont pas entendu parler de moi, et qui n'ont pas vu ma gloire. Ils feront connaître ma gloire aux nations … Et de certains d'entre eux je me ferai des prêtres, des lévites, dit Yahvé » (Is 66, 18-21).

Puisque cette prophétie ne s'est pas réalisée dans l'Ancien Testament et que « l’Écriture ne peut être récusée » (Jn 10, 35), il faut en conclure qu'elle se réalise uniquement à travers l'ordination des prêtres dans l’Église catholique.

Le rôle d'un prêtre est d'offrir des sacrifices. Par le ministère du prophète Malachie, Dieu annonce un nouveau type de sacrifice qui sera offert en tout lieu : « Oh ! Qui d'entre vous fermera les portes pour que vous n'embrasiez pas inutilement mon autel ? Je ne prends nul plaisir en vous, dit Yahvé Sabaot, et n'agrée point les offrandes de vos mains. Mais, du levant au couchant, mon Nom est grand chez les nations, et en tout lieu un sacrifice d'encens est présenté à mon Nom ainsi qu'une offrande pure. Car grand est mon Nom chez les nations ! dit Yahvé Sabaot » (Ml 1, 10-11). Les premiers chrétiens ont tout de suite, et à juste raison, identifié ce nouveau sacrifice au sacrifice de la messe officié par les prêtres.

3. Le choix des 12 Apôtres : l'institution du sacerdoce ministériel

« Or il advint, en ces jours-là, qu'il s'en alla dans la montagne pour prier, et il passait toute la nuit à prier Dieu. Lorsqu'il fit jour, il appela ses disciples et il en choisit douze, qu'il nomma apôtres : Simon, qu'il nomma Pierre, André son frère, Jacques, Jean, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques fils d'Alphée, Simon appelé le Zélote, Judas fils de Jacques, et Judas Iscarioth, qui devint un traître » (Lc 6, 12-16 ; Mt 10, 1-4).

Ainsi donc, Jésus a constitué lui-même le collège des douze Apôtres à qui il a donné une mission particulière : celle d'enseigner (Mt 10, 5 ; Ac 2, 14-36), de gouverner l’Église (Ac 6, 2 ; Ac 15, 1-6) et de sanctifier le peuple de Dieu (Ac 2, 42-47 ; Ac 4, 23-31).

En particulier il a donné aux Apôtres le pouvoir de pardonner les péchés : « Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20, 22-23). Les Apôtres reconnaissent qu'ils ont même reçu « un ministère de réconciliation » (2 Co 5, 18).

Jésus leur a commandé aussi de célébrer l'Eucharistie : « Le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit: "Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi." De même, après le repas, il prit la coupe, en disant: "Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi" » (1 Co 11, 23-25 ; Mt 26, 26-28 ; Mc 14, 22-24 ; Lc 22, 19-20). L'Eucharistie étant un vrai sacrifice, en l'instituant et en demandant de la célébrer, Jésus constitue en même temps les douze Apôtres comme des prêtres, c'est-à-dire, des sacrificateurs.

4. L'imposition des mains : la perpétuation du sacerdoce ministériel

La conscience de constituer un groupe à part au sein du peuple de Dieu a conduit les Apôtres à remplacer Juda par Matthias juste après l'Ascension (Ac 1, 15-26).

Par la suite, ils vont s'adjoindre des collaborateurs, des diacres, institués par l'imposition des mains pour les assister dans le partage du repas aux veuves : « La proposition plut à toute l'assemblée, et l'on choisit Étienne, homme rempli de foi et de l'Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche. On les présenta aux apôtres et, après avoir prié, ils leur imposèrent les mains » (Ac 6, 5-6).

Les Apôtres eurent le souci d'organiser les communautés chrétiennes en désignant des « presbytres » ou « anciens » (en grec : presbyteroi) à leur tête, institués par l'imposition des mains : « Ils leur désignèrent des anciens dans chaque Église, et, après avoir fait des prières accompagnées de jeûne, ils les confièrent au Seigneur en qui ils avaient mis leur foi » (Ac 14, 23 ; Ac 13, 2-3 ; 1 Tm 4, 14 ; 2 Tm 1, 6).

Les anciens étaient chargés d'administrer les sacrements : « Quelqu'un parmi vous souffre-t-il ? Qu'il prie. Quelqu'un est-il joyeux ? Qu'il entonne un cantique. Quelqu'un parmi vous est-il malade ? Qu'il appelle les presbytres de l’Église et qu'ils prient sur lui après l'avoir oint d'huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera. S'il a commis des péchés, ils lui seront remis » (Jc 5, 13-15).

Pierre, qui a rang d'Apôtre, se fait même appeler humblement « ancien » et précise leur rôle : « Les anciens qui sont parmi nous, je les exhorte, moi, ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ, et qui dois participer à la gloire qui va être révélée. Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec l'élan du cœur ; non pas en faisant les seigneurs à l'égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau » (1 P 5, 1-3).

Les Apôtres ont désigné aussi des « épiscopes » ou « surveillants » ou « évêques » (en grec : episcopoi) dont le rôle était pratiquement le même que celui des « anciens ». À Éphèse, saint Paul fait appeler les « anciens » (en grec : presbyteroi ; Ac 20, 17) à qui il fait les adieux et s'adresse à eux quelques versets plus tard en disant : « Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l'Esprit Saint vous a établis gardiens (episcopoi) pour paître l’Église de Dieu, qu'il s'est acquise par le sang de son propre fils » (Ac 20, 28).

Certains passages semblent indiquer que les épiscopes (episcopoi) étaient au-dessus des presbytres (presbyteroi). Les épiscopes avaient le pouvoir de choisir et d'ordonner des presbytres et de surveiller leurs activités (1 Tm 5, 19-22). C'était le cas de Timotée et de Tite à qui Paul donnait ces précieuses instructions : « Si je t'ai laissé en Crète, c'est pour y achever l'organisation et pour établir dans chaque ville des presbytres, conformément à mes instructions » (Tt 1, 5).

Ainsi, on voit apparaître une Église organisée de façon hiérarchique avec des communautés locales ayant des dirigeants qui n'ont pas le même rang que les autres, comme le laisse entendre cette exhortation de saint Paul : « Nous vous demandons, frères, d'avoir de la considération pour ceux qui se donnent de la peine au milieu de vous, qui sont à votre tête dans le Seigneur et qui vous reprennent » (1 Th 5, 12). C'est dire donc que ceux qui ont reçu l'imposition des mains (plus tard appelé le sacrement de l'ordre) exercent un sacerdoce ministériel (1 Tm 4, 14 ; 2 Tim 1, 6) au-dessus du sacerdoce commun de tous les fidèles.

Le mot « prêtre » utilisé par l’Église catholique vient du mot grec « presbyteros » (ancien, presbytre). Dans le Nouveau Testament, il y a un autre mot grec « hiereus » pour désigner la fonction de prêtre au sens de sacrificateur (He 8, 3), mais dans les passages où l'on parle de l'organisation de l’Église, on trouve plutôt les mots « episcopoi » et « presbyteroi ».

Cependant, l'emploi du mot « prêtre » dans le sens sacerdotal (prêtre sacrificateur) a été vite adopté par les premiers chrétiens. Cela se comprend, puisque les Apôtres, ayant été institués prêtres, ne pouvant pas être partout, ont transmis leur pouvoir aux « épiscopes » et aux « presbytres » par l'imposition des mains. Ces derniers doivent enseigner, gouverner et sanctifier le peuple de Dieu notamment à travers la célébration de l'Eucharistie jusqu'à ce que revienne le Seigneur (1 Co 11, 26). L'Eucharistie étant un vrai sacrifice, ceux qui l'officient, les « episcopoi » (évêques) et les « presbyteroi » (presbytres, prêtres), sont également des prêtres dans le sens de sacrificateurs.

5. Jésus, unique médiateur entre Dieu et les hommes

La non acceptation du sacerdoce ministériel catholique par les protestants provient de la doctrine du « solus Christus », expression signifiant : « le Christ uniquement ». Selon cette croyance, il n'y aurait pas besoin de prêtres, « car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s'est livré en rançon pour tous » (1 Tm 2, 5-6).

Toutefois, lorsque les protestants demandent à leurs pasteurs de prier pour eux, ou lorsqu'eux-mêmes prient pour d'autres personnes, leurs pasteurs ou eux-mêmes ne sont-ils pas des médiateurs entre Dieu et d'autres personnes ? N'est-ce pas ce que l’Écriture demande ? « Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l'Esprit ; apportez-y une vigilance inlassable et intercédez pour tous les saints » (Ep 6, 18).

Pour sortir de l'impasse certains distinguent « l'intercession » de la « médiation » entre Dieu et les hommes. Et pourtant, la médiation du Christ consiste principalement à intercéder pour nous : « Qui donc condamnera ? Le Christ Jésus, celui qui est mort, que dis-je ? Ressuscité, qui est à la droite de Dieu, qui intercède pour nous ? » (Rm 8, 34). « Il est capable de sauver de façon définitive ceux qui par lui s'avancent vers Dieu, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur » (He 7, 25).

En fait, comme le souligne l'Apôtre, « les plus grandes promesses nous ont été données, afin que vous deveniez ainsi participants de la divine nature » (2 P 1, 4). Ainsi, nous partageons avec le Christ certains de ses attributs, « par participation ». Voici quelques exemples :

  • Jésus a dit : « Nul n'est bon que Dieu seul » (Mc 10, 18). C'est encore lui qui reconnaît le mérite de ses serviteurs dévoués en ces termes : « serviteur bon et fidèle … entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25, 21) ;

  • Jésus a dit : « Je suis le bon pasteur ; le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11). Il est donc l'unique Pasteur. Mais il donne son pouvoir à Pierre en disant : « Pais mes agneaux ! … Pais mes brebis » (Jn 21, 15-17) ! Ce rôle de pasteur est également transmis aux « anciens » : « Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec l'élan du cœur ; non pas en faisant les seigneurs à l'égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau. Et quand paraîtra le Chef des pasteurs, vous recevrez la couronne de gloire qui ne se flétrit pas » (1 P 5, 2-4).

En définitive, si nous sommes tous prêtres (sacerdoce commun), c'est par participation au sacerdoce du Christ. Dans la même perspective, les prêtres catholiques (sacerdoce ministériel) sont prêtres et médiateurs entre Dieu et les hommes par participation au sacerdoce du Christ, grand prêtre pour l'éternité et unique médiateur entre Dieu et les hommes. « À lui la gloire maintenant et jusqu'au jour de l'éternité ! Amen » (2 P 3, 18).


Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso)


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