Dieu et le coronavirus

L’expansion rapide du covid-19 dans le monde a marqué un tournant décisif dans la pensée et dans l’action de l’homme. Les discussions sont de plus en plus nombreuses et les positions, diverses. Dans les médias et dans les réseaux sociaux, chacun donne sa lecture de la situation. Décidant de n’adhérer qu’aux explications scientifiques sur cette pandémie, certains rejettent toute croyance incriminant l’action du Diable qui serait à l’origine de cette pandémie du Covid-19. D'autres, au contraire, croient fermement que le Covid-19 est purement une œuvre satanique, une manifestation des forces du Mal. Cette dernière croyance fait naître dans le cœur de bon nombre de chrétiens, des sentiments de peur, des réflexions erronées, voire des hérésies. Covid-19 est-il réellement l’œuvre du Démon ? Voilà toute la problématique de notre réflexion de ce jour qui nous permettra de cerner la vraie nature du Diable et ses différentes manifestations dans la vie de l’homme.

La nature du diable

De prime abord, il est important d’affirmer que le Diable existe. Cependant, il ne faut pas le voir à l’œuvre partout. On ne peut pas par exemple accuser le diable d’être responsable de la pauvreté d’une société ou d’un homme, d’être le responsable des mauvaises notes d’un élève ou du chômage d’un jeune.

La Bible affirme l’existence du diable. A 37 reprises, dans le Nouveau Testament, il est question du diable (diabolos) dont le nom signifie précisément : diviseur, accusateur, trompeur, calomniateur.

A 36 reprises, il est appelé Satan qui veut dire l’adversaire, l’ennemi (celui qui ne veut pas le bien).

Il est aussi présenté parfois sous le vocable tentateur, celui qui incite et pousse l’homme vers le mal.

Mais il faut souligner que ces différentes dénominations désignent une même réalité qui est un esprit. Cela implique qu’il n’a ni forme corporelle puisqu’il est immatériel et il ne vit pas dans les mêmes conditions spatio-temporelles que l’homme. Il vit dans le monde invisible et il est doué d’une volonté foncièrement mauvaise, opposée au bien. C’est pourquoi Saint Paul affirme dans sa lettre aux Ephésiens (Ep 6, 12) : « Car ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes. »

Son action

 Selon les circonstances et les personnes qu’il veut perturber, le diable pose essentiellement quatre actions bien subtiles : la tentation, les vexations, l’obsession et la possession.

1. La tentation

On parle de tentation lorsque l’esprit mauvais essaie par tous les moyens de corrompre la volonté de l’homme pour la détourner du bien. C’est ce qui se passe chaque fois que l’homme est tenté de commettre le péché.

2. Les vexations

Il est question de vexations diaboliques lorsque le diable produit des phénomènes « étranges et bizarres » dans le but de troubler les âmes. Généralement il s’agit d’une forme de persécution contre les personnes qui lui résistent farouchement et radicalement (Cf. le saint Curé d’Ars, Jean-Marie Vianney qui se sentait frappé au court de son sommeil)

3. L’obsession

Elle se produit lorsque l’imagination de l’homme est complètement dominée par le mal, malgré soi. A ce stade, les tentations sont si violentes ou continuelles que l’homme peut avoir l’impression de ne pas pouvoir y résister (Cf. envoutement par une femme ou par un homme, par le sexe, le pouvoir ou l’argent d’où la luxure, la cupidité, l’avarice…)

4. La possession

Elle est très rare. Elle se vérifie quand le diable investit totalement la personne : son esprit, sa volonté et son corps. La possession d’une personne par un esprit impur est dite en grec « anthrôpos en pneumati akathartô » (Mc 1, 23) ; ce qui se traduit littéralement « un homme dans un esprit impur ». Un homme est donc possédé, signifie qu’il est totalement et entièrement plongé, submergé par l’esprit impur. Tout son corps et son être sont totalement mouillés et imbibés par l’esprit impur. Il ne parle, ne respire, ne mange que par l’esprit impur. Il est comparable à une éponge plongée dans de l’eau pourrie et nauséabonde qui la pénètre de fond en comble et la recouvre entièrement. C’est pourquoi le possédé ne se possède plus mais agit sous l’autorité de l’esprit impur qui est en lui. On peut être possédé par un démon ou plusieurs ou par le Diable lui-même.

Toutefois, il semble qu’à l’origine des vraies possessions, il y ait souvent un accord de la personne, d’un proche ou d’un pacte avec le diable. L’homme cherche souvent à faire le premier pas, à chercher le Diable, à lier un pacte avec lui.

Le Diable et le Covid-19

En analysant la nature et le mode d’action du Diable, la croyance selon laquelle le Covid-19 est une œuvre diabolique, pourrait être relativisée. Certes le Diable a une grande influence sur la vie des hommes mais il n’a pas la capacité de créer, de faire naître une chose, de faire exister une créature, de mettre à jour une nouvelle matière. Dieu seul est Créateur et est capable de faire émerger une réalité à partir du néant, du rien (création ex nihilo). L’homme participe à sa création comme coopérateur, comme collaborateur, comme transformateur de la réalité déjà existante. Le Diable n’est ni Dieu pour éventuellement créer à partir de rien le virus du covid-19, ni homme pour transformer une quelconque matière en une nouvelle réalité ou une quelconque molécule du Covid-19. Il est donc difficile de penser ou d’affirmer que le Diable est le principe, la source initiale, le moteur premier du Covid-19. C’est une hérésie de mettre le Diable et Dieu sur un pied d’égalité, de penser qu’il a un pouvoir créateur comme Dieu ou a les mêmes attributions que Dieu. Dieu est au-dessus de tout, partout et en tout.

De plus, le Diable ne peut pas être considéré comme un moteur de transmission du Covid-19. Il ne joue pas le rôle d’un « facteur » ou d’un « agent de transmission » qui propage le Covid-19 d’un lieu à un autre, d’un pays à un autre, d’un continent à un autre. Le Diable n’est pas le responsable de l’expansion de la pandémie dans le monde. Il s’avère donc difficile de penser que le Covid-19 soit une œuvre diabolique.

Cependant, sans être le moteur premier ou l’organe d’expansion du Covid-19, le diable, selon son mode d’action (cf. plus haut) peut s’infiltrer dans le cœur de l’homme, l'entrainer à commettre le mal et à être méchant envers son prochain. En d’autres termes, le Diable peut pervertir les intentions profondes et les actions des hommes, les rendre mauvaises et nuisibles dans la gestion du Covid-19. Le Diable aime agir dans le cœur de l’homme afin de le détourner du Bien et de Dieu. Il est très subtil, très rusé et plus astucieux que l’homme. C’est pourquoi le Pape François invite très souvent les chrétiens à s’éloigner du Diable : « Avec le Tentateur, on ne discute pas » [1]. Dans la même lancée, un ancien père de l’Eglise notait avec pertinence : « Satan, après la venue du Christ, est comme un chien attaché à une haie : il peut aboyer et vouloir se jeter sur nous tant qu’il veut ; mais si nous ne l’approchons pas, il ne peut pas mordre. »

Mais l’homme reste toujours libre de s’approcher du Diable, de le suivre ou de rester fidèle à Dieu qui, seul, peut le sauver du mal avec sa puissance paternelle.

 

Note : 

[1] Pape François, Homélie du premier dimanche de carême, Rome, 2014.

 

Abbé Valery SAKOUGRI,
Vicaire à la paroisse de Pabré
BURKINA FASO