L'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge Marie est un dogme que tous les catholiques sont tenus de croire. Elle désigne le fait que « la Bienheureuse Vierge Marie, dès le premier instant de sa Conception, a été, par une grâce et un privilège spécial du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute tache du péché originel. » (Pape Pie XII, Ineffabilis Deus, 1854)

Cette doctrine est souvent considérée comme non biblique et non nécessaire dans le monde protestant qui considère d'ailleurs le passage « tous ont péchés » (Rm 3, 23) comme objection. Sauf que l'Immaculée Conception a ses racines dans les saintes Écritures. Elle a été développée et discutée par les Pères de l’Église, et finalement définie par le Pape.

1. Différence entre péché personnel et péché originel

Pour bien comprendre ce qu'on appelle Immaculée Conception, il est nécessaire de bien comprendre au préalable la notion de péché originel.

L'expression « péché originel » désigne d'abord le premier péché commis par Adam et Ève. « Par un seul homme le péché est entré dans le monde » (Rm 5, 12). Ensuite, le Psalmiste nous dit : « mauvais je suis né, pécheur ma mère m'a conçu » (Ps 51(50), 7). Avant de naître, avant de pouvoir poser un acte de lui-même, dès le sein de sa mère, l'auteur du Psaume nous dit qu'il était pécheur. C'est ce qu'on appelle aussi « péché originel ». Le péché originel est l'état de pécheur dans lequel tout homme naît. Il ne s'agit pas d'un acte posé, mais bien d'un « état » qui est hérité.

L'Immaculée Conception signifie que Marie a été préservée du péché originel par une grâce venant déjà de la mort et de la résurrection du Christ. Nous croyons également que Marie a persévéré dans cette grâce et n'a pas commis de péché personnel (péché commis volontairement). Elle a été préservée de toute concupiscence. « Au sens étymologique, la concupiscence peut désigner toute forme véhémente de désir humain. La théologie chrétienne lui a donné le sens particulier du mouvement de l’appétit sensible qui contrarie l’œuvre de la raison humaine. L’Apôtre S. Paul l’identifie à la révolte que la "chair" mène contre l’"esprit" (cf. Ga 5, 16. 17. 24 ; Ep 2, 3). Elle vient de la désobéissance du premier péché (Gn 3, 11). Elle dérègle les facultés morales de l’homme et, sans être une faute en elle-même, incline ce dernier à commettre des péchés. Suivant la tradition catéchétique catholique, le neuvième commandement proscrit la concupiscence charnelle ; le dixième interdit la convoitise du bien d’autrui. » (Catéchisme de l’Église catholique, n°2515.2514)

2. Tous ont péché

« Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3, 23). C'est ce que dit saint Paul après avoir cité le Psaume 13 (14) : « Il n'est pas de juste, pas un seul, il n'en est pas de sensé, pas un qui recherche Dieu. Tous ils sont dévoyés, ensemble pervertis ; il n'en est pas qui fasse le bien, non, pas un seul. » (Rm 3, 10-12)

On doit mettre ces versets dans leur contexte et tenir compte des autres passages de l’Écriture. Car saint Jacques rappelle que : « La supplication fervente du juste a beaucoup de puissance. » (Jc 5, 6) Au sujet de Zacharie et Élisabeth, la Bible rapporte que « tous deux étaient justes devant Dieu, et ils suivaient, irréprochables, tous les commandements et observances du Seigneur. » (Lc 1, 6) Comment cela serait-il possible, si l'on considère dans l'absolu qu'« il n'est pas de juste, pas un seul » ? Le Psaume 13 (14) précise que ces propos sont ceux de l'insensé et fait ce constat : « Et voilà qu'ils se sont mis à trembler, car Dieu accompagne les justes » (v5).

De plus, le même Paul enseigne que les enfants avant un certain âge dit « âge de la raison » ne commettent pas de péché quand en parlant de Jacob, il dit : « Or, avant la naissance des enfants, quand ils n'avaient fait ni bien ni mal, pour que s'affirmât la liberté de l'élection divine, qui dépend de celui qui appelle et non des œuvres, il lui fut dit : L'aîné servira le cadet. » (Rm 9, 11)

Enfin, parlant de « tous ont péché », saint Paul fait allusion aux « Juifs et Grecs » (Rm 3, 9) qui ont commis des péchés personnels, c'est-à-dire des actes posés par des personnes qui sont en contradiction avec la volonté de Dieu. Il n'est pas question ici du péché originel. Par suite, le « tous ont péché » ne signifie pas que des personnes privilégiées ne puissent pas être préservées du péché originel. Adam et Ève par exemple ont été créés sans le péché originel. C'est leur libre choix de désobéir qui a amené le péché dans le monde, y compris le péché originel. Le Christ aussi n'a pas péché et est Immaculé Conception (1 Jn 3, 5 ; 1 P 2, 22 ; 2 Co 5, 21). Marie aussi. Il y a de bonnes raisons bibliques de le croire.

Demeure ce passage gênant de l’Ecclésiaste : « Il n'est pas d'homme assez juste sur la terre pour faire le bien sans jamais pécher. » (Ec 7, 20) Cela est dû au péché originel qui incline à commettre des péchés personnels. On voit bien que Jésus est une exception. Marie aussi, déjà parce qu'elle n'a pas connu l'ombre du péché originel.

3. Jésus est le sauveur de Marie

Une autre objection au dogme de l'Immaculée Conception est l'idée selon laquelle, si Marie est sans péché originelle et sans péché personnel, alors, elle n'a pas besoin d'être sauvée par Dieu. Or, « il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés. » (Ac 4, 12) Marie avait elle-même besoin d'être sauvée par son Fils. Elle reconnaît d'ailleurs que Dieu est son sauveur lorsqu'elle chantait son cantique : « Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur. » (Lc 1, 46-47)

Que Marie dût être sauvée par le Christ ne signifie pas qu'elle ait été effleurée par le péché originel ou qu'elle ait commis un quelconque acte contraire à la volonté de Dieu, car même lorsqu'on est pardonné et sans péché, on a encore besoin que le Christ nous justifie, à l'instar de saint Paul qui dit : « Ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien, mais je n'en suis pas justifié pour autant. » (1 Co 4, 4)

En réalité, cette question a été discutée pendant les siècles dans les milieux catholiques avant la définition du dogme, parce que certains théologiens avaient du mal à concilier le fait que Marie soit sans péché originel et personnel, et le fait qu'elle ait eu besoin d'être sauvée. Cela est dû au fait qu'on assimilait le fait d'être sauvé au fait d'avoir le pardon de ses péchés. Or, si Dieu donne à une personne la grâce imméritée d'échapper au péché, c'est encore Dieu qui a sauvée cette personne, selon le mot de l'Apôtre : « À celui qui peut vous garder de la chute et vous présenter devant sa gloire, sans reproche, dans l'allégresse, à l'unique Dieu, notre Sauveur par Jésus Christ notre Seigneur, gloire, majesté, force et puissance avant tout temps, maintenant et dans tous les temps ! Amen. » (Jude 24-25)

C'est l'anglais Duns Scott (1266 – 1308) qui a résolu le problème. L'illustration qui est souvent donnée est que si un homme vous sort de sables mouvants, vous direz qu’il vous a sauvé. Mais s’il vous empêche de tomber dans les sables mouvants, vous direz qu’il vous a sauvé d’une façon plus parfaite encore.

Pour le cas de Marie, Dieu l'a préservée du péché originel et de péchés personnels, par anticipation, et en vue des mérites du Christ. Cela ne fait pas d'Elle une femme passive, sans mérites, car, elle a persévéré dans la grâce. C'est librement qu'elle a donné son consentement à l'ange pour être la mère de Jésus, pour devenir ainsi la nouvelle Ève. Elle gardait fidèlement tout ce qui concernait le Christ dans son cœur (Lc 2, 52). Près de la Croix, elle a souffert avec le Rédempteur. En tant que Mère, elle a reçu le glaive de douleur dans son cœur (Lc 2, 35) en regardant le soldat transpercer le côté de son Fils déjà mort (Jn 19, 34). Or, « nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui. » (Rm 8, 17)

4. Marie, la nouvelle Ève

Marie est la nouvelle Ève parce que Jésus est le nouvel Adam : « La mort a régné d'Adam à Moïse même sur ceux qui n'avaient point péché d'une transgression semblable à celle d'Adam, figure de celui qui devait venir... Mais il n'en va pas du don comme de la faute. Si, par la faute d'un seul, la multitude est morte, combien plus la grâce de Dieu et le don conféré par la grâce d'un seul homme, Jésus Christ, se sont-ils répandus à profusion sur la multitude. Comme en effet par la désobéissance d'un seul homme la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l'obéissance d'un seul la multitude sera-t-elle constituée juste. » (Rm 5, 14-15.19)

Cependant, Adam n'a pas été le premier à pécher, mais Ève (Gn 3, 6). Ainsi, en écoutant le serpent, un ange déchu (Ap 12, 9) qui se fait passer pour un ange de lumière (2 Co 11, 14), Ève désobéit à Dieu et entraîne Adam à la désobéissance. Cela était une image lointaine de Marie, qui, écoutant un ange bon, envoyé par Dieu, obéit à Dieu en acceptant d'être la mère de son Fils. Sous l'action de l'Esprit Saint, elle conçoit aussitôt son Fils, qui par son obéissance également sauve le genre humain. Cela n'est pas sans conséquences sur Marie.

Tout d'abord, la première Ève a été créée sans le péché originel. Il convient donc que la nouvelle Ève soit aussi conçue sans la tache du péché originel. À la différence d’Ève qui a péché, Marie a toujours obéi au Seigneur.

Après le premier péché, Dieu dit au serpent : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon. » (Gn 3, 15) Ce passage est appelé le « proto-évangile », c'est-à-dire la première annonce de la Bonne Nouvelle, de la venue de Jésus, de la descendance de la femme et qui écrasera le serpent. En effet, « lignage » ou « descendance » est au singulier fait penser à cet autre passage : « Or c'est à Abraham que les promesses furent adressées et à sa descendance. L’Écriture ne dit pas : "et aux descendants", comme s'il s'agissait de plusieurs ; elle n'en désigne qu'un : et à ta descendance, c'est-à-dire le Christ. » (Ga 3, 16)

Il y a bien une hostilité inconciliable et permanente entre le diable et Jésus qui est sans péché. De même, pour qu'il y ait une hostilité inconciliable et permanente entre « la femme », la nouvelle Ève et « l'antique Serpent, le Diable ou le Satan, comme on l'appelle, le séducteur du monde entier, » (Ap 12, 9) il faut bien que Marie soit sans péché originel et qu'elle n'ait jamais commis de péché personnel toute sa vie.

L'orgueil tourne la tête et fait encourir la même condamnation que le diable (1 Tm 3, 6). « L'arrogance précède la ruine et l'esprit altier la chute. Mieux vaut être humble avec les pauvres qu'avec les superbes partager le butin. » (Pr 16, 18-19) D'où cette prière du Psalmiste : « Préserve aussi ton serviteur de l'orgueil : qu'il n'ait sur moi aucune emprise. Alors je serai sans reproche, pur d'un grand péché. » (Ps 18(19), 14) On voit bien dans les Écritures que Marie est aux antipodes de ce vice qui pousse à s'opposer à Dieu, elle qui dit : « Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur, parce qu'il a jeté les yeux sur l'abaissement (humilité) de sa servante. » (Lc 1, 46-48)

5. Bénie entre toutes les femmes

À la vue de Marie qui lui rendait visite, Élisabeth, non de son propre chef, mais sous l'action de l'Esprit Saint déclara : « Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ! » (Lc 1, 42) Marie est donc « bénie entre les femmes », c'est-à-dire « bénie entre toutes les femmes », c'est-à-dire encore plus bénie qu'Ève qui a été créée sans le péché originel. Par conséquent, Marie est elle-même Immaculée Conception à qui s'applique de façon parfaite cette déclaration du Cantique des cantiques : « Tu es toute belle, ma bien-aimée, et sans tache aucune ! » (Ct 4, 7) « Tache » en latin se dit « macula ».

6. Marie, la Nouvelle Arche de l'Alliance

Dans l'Ancien Testament, l'Arche de l'Alliance était une sorte de coffre dont la fabrication a été ordonnée par Dieu dans tous les détails (Ex 25,10-22), pour être le signe de sa présence au milieu de son peuple. Il y a une remarquable ressemblance entre l'Arche de l'Alliance et Marie. Dans le tableau ci-dessous, nous rapportons seulement les passages mettant cela en exergue, sans faire de commentaire.

Arche de l'Ancienne Alliance

Arche de la Nouvelle Alliance

« Je redescendis de la montagne, je mis les tables dans l'arche que j'avais faite et elles y restèrent, comme Yahvé me l'avait ordonné. » (Dt 10, 5)

En Marie, a séjourné Jésus, « le Verbe de Dieu » (Ap 19, 13 ; Jn 1, 1)

« La nuée couvrit la Tente du Rendez-vous, et la gloire de Yahvé emplit la Demeure. Moïse ne put entrer dans la Tente du Rendez-vous, car la nuée demeurait sur elle, et la gloire de Yahvé emplissait la Demeure. » (Ex 40, 34-35)

« L'ange lui répondit : "L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » (Lc 1, 35)

« le Saint des saints, comportant un autel des parfums en or et l'arche de l'alliance entièrement recouverte d'or, dans laquelle se trouvaient une urne d'or contenant la manne, le rameau d'Aaron qui avait poussé, et les tables de l'alliance » (He 9, 3-4)

« Je suis le pain de vie. Vos pères, dans le désert, ont mangé la manne et sont morts. » (Jn 6, 48-49)

« S'étant mis en route, David et toute l'armée qui l'accompagnait partirent pour Baala de Juda, afin de faire monter de là l'arche de Dieu, qui porte le nom de Yahvé Sabaot, siégeant sur les chérubins. » (2 S 6, 2)

« En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers la région montagneuse, dans une ville de Juda. Elle entra chez Zacharie et salua Élisabeth. » (Lc 1, 39-40)

« Ce jour-là, David eut peur de Yahvé et dit : "Comment l'arche de Yahvé entrerait-elle chez moi ?" » (2 S 6, 9)

« Et comment m'est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? » (Lc 1, 43)

« L'arche de Yahvé demeura trois mois chez Obed-Edom de Gat, et Yahvé bénit Obed-Edom et toute sa famille. » (2 S 6, 11)

« Marie demeura avec elle environ trois mois, puis elle s'en retourna chez elle. Quant à Élisabeth, le temps fut accompli où elle devait enfanter, et elle mit au monde un fils. » (Lc 1, 55-56)

« David et toute la maison d'Israël faisaient monter l'arche de Yahvé en poussant des acclamations et en sonnant du cor. » (2 S 6, 15)

« Alors elle poussa un grand cri et dit : "Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ! » (Lc 1, 42)

« Or, comme l'arche de Yahvé entrait dans la Cité de David, la fille de Saül, Mikal, regardait par la fenêtre, et elle vit le roi David qui sautait et tournoyait devant Yahvé. » (2 S 6, 16)

« Et il advint, dès qu’Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, que l'enfant tressaillit dans son sein et Élisabeth fut remplie d'Esprit Saint... Car, vois-tu, dès l'instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l'enfant a tressailli d'allégresse en mon sein. » (Lc 1, 41.44)

« Les prêtres apportèrent l'arche de l'alliance de Yahve à sa place, au Debir du Temple, c'est-à-dire au Saint des Saints, sous les ailes des chérubins. » (2 Ch 5, 7)

« Tous, d'un même cœur, étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères. » (Ac 1, 14)

« les chantres lévites au complet : Asaph, Hémân et Yedutûn avec leurs fils et leurs frères s'étaient revêtus de byssus et jouaient des cymbales, de la lyre et de la cithare en se tenant à l'orient de l'autel, et 120 prêtres les accompagnaient en sonnant des trompettes. » (2 Ch 5, 12)

« En ces jours-là, Pierre se leva au milieu des frères ; ils étaient réunis au nombre d'environ 120 personnes. » (Ac 1, 15)

« Quand Salomon eut fini de prier, le feu descendit du ciel, consuma l'holocauste et les sacrifices, et la gloire de Yahvé remplit le Temple. » (2 Ch 7, 1)

« Ils virent apparaître des langues qu'on eût dites de feu ; elles se partageaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux. » (Ac 2, 3)

« Arrivé là, Jérémie trouva une habitation en forme de grotte et il y introduisit la tente, l'arche, l'autel des parfums, puis il en obstrua l'entrée. Quelques-uns de ses compagnons, étant venus ensuite pour marquer le chemin par des signes, ne purent le retrouver. Ce qu'apprenant, Jérémie leur fit des reproches : "Ce lieu sera inconnu, dit-il, jusqu'à ce que Dieu ait opéré le rassemblement de son peuple et lui ait fait miséricorde. Alors le Seigneur manifestera de nouveau ces objets, la gloire du Seigneur apparaîtra ainsi que la Nuée, comme elle se montra au temps de Moïse et quand Salomon pria pour que le saint lieu fût glorieusement consacré." » (2 M 3, 5-8)

 

« Or le surlendemain, dès le matin, il y eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, ainsi qu'un très puissant son de trompe et, dans le camp, tout le peuple trembla. Or la montagne du Sinaï était toute fumante, parce que Yahvé y était descendu dans le feu ; la fumée s'en élevait comme d'une fournaise et toute la montagne tremblait violemment. » (Ex 19, 16.18)

« Alors s'ouvrit le temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d'alliance apparut, dans le temple ; puis ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres et un tremblement de terre, et la grêle tombait dru... 

 

Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l'enfantement. Or la Femme mit au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer. » (Ap 11, 19 – 12, 2.5)

Dans l'Ancien Testament, l'Arche de l'Alliance était ce qu'il y avait de plus sacré. Il était conçu à partir d'un modèle que Dieu a présenté à Moïse sur la montagne (Ex 24, 50) en bois d'acacia, bois précieux, recouvert d'or pur. Les accessoires et tous les objets qui devaient la toucher devraient être aussi en or pur (Ex 25, 10-22). Seuls les prêtres pouvaient la toucher (1 Ch 15, 2). La colère de Dieu s'est enflammé contre Uzza qui l'a touchée et qui mourut sur-le-champ (1 Ch 13, 6-10 ; 2 S 6, 3-10).

Cela n'était que l'ombre des choses à venir (He 10, 1). Marie, la nouvelle Arche de l'Alliance ne devait pas être un objet inanimé, mais une personne très pure, très sainte, sans tache dès sa conception, afin qu'elle soit une demeure digne de porter le Fils de Dieu.

On peut aussi dire que comme pour l'Arche de l'Alliance, la Conception de Marie, la nouvelle Arche, a suivi des consignes très précises du Seigneur, selon un modèle unique présent dans la pensée divine, pour qu'elle soit une personne très sainte, très sacrée, sans tache dès sa conception, afin que son sein soit digne du Fils de Dieu. Puisque « la Sagesse n'entre pas dans une âme malfaisante, elle n'habite pas dans un corps tributaire du péché, » (Sg 1, 4) « la Sagesse a bâti sa maison » (Pr 9, 1) pour y habiter, avec grand soin, une maison digne d'elle, Marie « pleine de grâce ! » (Lc 1, 28)

7. Pleine de grâce

Le récit de l'Annonciation nous fournit le nouveau nom de Marie, « pleine de grâce » : L'ange Gabriel « entra et lui dit : "Je te salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi." A cette parole elle fut toute troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation. Et l'ange lui dit : "Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. » (Lc 1, 28-30)

Une difficulté de traduction

À la place « pleine de grâce » ou « comblée de grâce », les traductions protestantes ont : « à qui une grâce a été faite de la part du Seigneur », correspondant au mot grec κεχαριτωμένη (kekaritoménè). En fait de mot vient du verbe χαριτω (karistoô) qui vient lui-même de χάρις (karis) signifie faveur, bienveillance gratuite venant de Dieu. Dans la langue française, on voit ce mot comme racine du mot « charismatique » par exemple.

Dans la salutation de l'ange, le mot κεχαριτωμένη (kekaritoménè) est difficile à traduire. Saint Jérôme, dans sa traduction latine de la Bible appelée la Vulgate, le rend par « gracia pleina » (pleine de grâce) qui a tout son sens. En rigueur de termes, « plein de grâce » en grec se dit : « πλήρης χάριτος » (plèros karistos) employé en Jn 1, 14 (Fils unique, plein de grâce et de vérité...) et en Ac 6, 8 (Étienne, rempli de grâce et de puissance...).

Il est à noter qu'en grec, les verbes en « oô » signifient une transformation du sujet. Par exemple, « leukoô », blanchir, « argyroô », argenter, « douloô », rendre esclave, etc. Ainsi, « karistoô » ne signifie pas seulement avoir une faveur, mais être transformé par cette grâce ou faveur. Ce verbe est employé en Ep 1, 6 pour montrer que nous sommes transformés par la grâce de Dieu : « Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés (ἐχαρίτωσεν, ekaristosèn) dans le Bien-Aimé. »

Toutefois, la forme employée en Ep 1, 6 (ἐχαρίτωσεν, ekaristosèn) est différente de celle employée en Lc 1, 28 (κεχαριτωμένη, kekaritoménè) et cela change la donne. Dans la salutation de l'ange, le verbe est conjugué au temps appelé « passif parfait », indiquant une action accomplie dans le passé dont les effets continuent dans le présent. Selon une note de la Bible de Jérusalem, la traduction du message de l'ange Gabriel pourrait être : « Salut, toi qui as été et demeures remplie de la faveur divine. »

Le nouveau nom de Marie

La structure de la phrase « Je te salue, pleine de grâce » est la même que les salutations suivies du nom de la personne ou d'un attribut propre à la personne, par exemple : « Salut, roi des Juifs ! » (Mt 27, 29 ; Jn 19, 3) « Claudius Lysias au très excellent gouverneur Félix, salut ! » (Ac 23, 26) Ainsi, « pleine de grâce » devient le nouveau nom propre de Marie, donné par Dieu, par l'intermédiaire de l'ange.

Quand l'ange salue la « pleine de grâce », elle se demandait ce que voulait signifier cette salutation. C'est alors qu'il lui est révélé sa vocation : « Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus. » (Lc 1, 31) Ainsi, Dieu a rempli Marie de sa grâce, d'avance, en vue de sa mission de mère de son Fils. Cette grâce, c'est précisément d'être Immaculée Conception, entièrement préservée de la tache du péché originel et d'avoir persévéré toute sa vie pour éviter tout péché personnel

Cette idée est confortée lorsqu'on scrute d'autres parties des Saintes Écritures. Saint Paul bénit le Seigneur à notre sujet car il « nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ. C'est ainsi qu'Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour, » (Ep 1, 3-4) A plus forte raison, Marie a-t-elle élue dès la fondation du monde pour être sainte et Immaculée.

Dieu dit à Jérémie : « Avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t'ai consacré ; comme prophète des nations, je t'ai établi. » (Jr 1, 5) L'archange Gabriel dit à Élisabeth au sujet de Jean-Baptiste : « Car il sera grand devant le Seigneur ; il ne boira ni vin ni boisson forte ; il sera rempli d'Esprit Saint dès le sein de sa mère. » (Lc 1, 15)

Puisque Jérémie, parce qu'il devait être prophète est connu de Dieu bien avant sa conception, à plus forte raison, Marie, parce qu'elle devrait être la nouvelle Arche de l'Alliance, la demeure digne du Seigneur. Si Jérémie a été sanctifié et Jean-Baptiste rempli du Saint Esprit, tous deux, dès le sein maternel, à plus forte raison Marie, la « pleine de grâce » dès l'instant de sa conception immaculée en vue de sa mission d'être la mère du Sauveur.

8. Bénie en même temps que Jésus

« Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ! Et comment m'est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? » (Lc 1, 42-43) C'est l'exclamation d’Élisabeth sous l'action de l'Esprit Saint. Marie est déclarée « bénie » en même temps que Jésus est déclaré « béni ». Les louanges à la Sainte Vierge sont intimement liées à celles de notre Seigneur : Marie est bénie parce que le fruit de son sein est béni. Elle devait être sainte, sans péché personnel et sans péché originel afin de mettre au monde celui qui est sans péché.

Cela est si naturel qu'un jour, dans la foule, une femme déclare : « Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les seins que tu as sucés ! » Jésus lui répond : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l'observent ! » (Lc 11, 27-28) Il ne suffit donc pas d'être Immaculée Conception et de mettre au monde le Fils de Dieu pour être déclarée « heureuse ». Il faut aussi persévérer dans la grâce pour faire la volonté de Dieu toujours, ce qui a été le cas de Marie « son humble servante » (Lc 1, 48) qui veut que tout s'accomplisse en elle selon la Parole du Seigneur (Lc 1, 38).

Le prophète Isaïe disait : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l'Esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahvé. » (Is 11, 1-2) En réalité, cette prophétie s'applique à Marie. Elle est la racine de laquelle a poussé le surgeon (fleur) qui est Jésus, sur lequel repose l'Esprit du Seigneur (Lc 4, 18-21).

« Or si les prémices sont saintes, toute la pâte aussi ; et si la racine est sainte, les branches aussi. » (Rm 11, 16) Il fallait donc que la racine soit sainte, sans la tâche du péché originel et sans la souillure d'un quelconque péché personnel afin que le surgeon soit saint également. Car « qui donc extraira le pur de l'impur ? Personne ! » (Jb 14, 4)

Que l'on se souvienne aussi de cette consigne de saint Paul : « Ne formez pas d'attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport en effet entre la justice et l'impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Béliar ? Quelle association entre le fidèle et l'infidèle ? » (2 Co 6, 14-15) Cela s'applique de manière parfaite au Christ. En Marie, la nature divine du Christ s'est unie de manière singulière à la nature humaine. La nature divine pourrait-elle être associée à une nature humaine corrompue ? Non. Il fallait donc que Dieu brise en Marie la chaîne du péché transmis à l'humanité par Adam en permettant que sa conception soit sans la tache du péché originel et qu'elle persévère dans la grâce pour être sans péché personnel.

9. Un dogme discuté

Un reproche des milieux protestants sur l'Immaculée Conception est que ce serait une invention tardive qui n'a pas toujours fait l'unanimité, et que même des grandes figures de l’Église n'y étaient pas favorables.

Il est vrai que dans les tentatives d'expliquer l'Immaculée Conception, certaines figures illustres ont émis des réserves, comme saint Bernard de Clairvaux (1090 – 1153), Pierre Lombard (1100 – 1160) et Saint Bonaventure (1217 – 1218). Ce qu'on oublie de dire, c'est que ce privilège de Marie a toujours été cru et défendu par les premiers chrétiens, en particulier par bien de Pères de l’Église comme saint Éphrem le Syrien (306 – 373), saint Grégoire de Nysse (330 – 395), Amphiloque d'Iconium (IVème siècle), saint Ambroise de Milan (340 – 397), saint Augustin (354 – 430), saint Jérôme (347 – 420), Saint Thomas d'Aquin (1224 – 1274) et bien d'autres, longtemps avant Duns Scot (1266 – 1308).

De plus, à cause du principe protestant de la « sola scriptura » (seule l’Écriture compte et fait autorité), il nous semble qu'il n'est pas cohérent pour un protestant de fonder son argumentation sur un quelconque Père de l’Église, car en outre, bien souvent les mêmes Pères ont des vues opposées à leurs doctrines (intercession des saints, prière pour les morts, Eucharistie, etc.).

Il faut aussi ajouter que dans l’Église, il y a souvent eu des controverses. Par exemple, juste après le départ du Christ, il y a eu la question de la circoncision de ceux qui devenaient chrétiens. Certains étaient pour qu'on leur impose cette pratique, d'autres contre. Pour trancher la question, les Apôtres se réunirent à Jérusalem autour de Pierre que Jésus avait choisi comme chef (Jn 21, 15-17). La décision fut prise avec l'aide de l'Esprit Saint qu'il ne fallait pas l'imposer aux nouveaux convertis : le baptême suffit (cf. Ac 15, 1-29).

On voit donc que dès le départ, Dieu a voulu qu'il y ait un organe vivant autour de la personne de Pierre appelé « Magistère », conduit par l'Esprit Saint, pour trancher ces questions de haute importance dans l'interprétation des Écritures. Ainsi donc, lorsque le Pape, successeur de saint Pierre, par son autorité fixe une règle de doctrine, il met fin aux débats en confirmant ce que l'on doit croire. C'est ce qu'a fait le Pape Pie IX, dans son document intitulé Ineffabilis Deus (Dieu ineffable) le 8 décembre 1854. Dès lors, on ne peut être catholique sans croire à l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge Marie. Ceux qui avaient des doutes sur l'Immaculée Conception avant la proclamation du dogme sont excusables, car ils n'avaient aucun moyen d'être assuré de la vérité.

Jésus a dit : « J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu'il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir. » (Jn 16, 12-13) Il ajoute : « Qui vous écoute m'écoute, qui vous rejette me rejette, et qui me rejette rejette Celui qui m'a envoyé. » (Lc 10, 16) Par la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception, c'est l'Esprit Saint qui nous a conduits à la vérité tout entière sur la grâce unique que notre Dieu a bien voulu accorder à la mère du Seigneur, dès sa conception, en explicitant le nouveau nom que Dieu lui donne à travers l'Ange : « pleine de grâce » (Lc 1, 28).

Puisque « le Seigneur a les yeux sur les justes et tend l'oreille à leur prière, » (1 P 3, 12) puisque « la supplication fervente du juste a beaucoup de puissance, » (Jc 5, 16) que dire alors de la puissance de l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, l'Immaculée Conception ?

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Ce site vous est offert par l'Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso).

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