Pour comprendre l’absence d’ablutions dans la vie quotidienne des chrétiens, il est nécessaire de revoir comment a été vécue cette pratique, de Moïse à Jésus-Christ.

La prescription de Moïse

A peine sortie d’Égypte (1250 avant Jésus-Christ), le peuple d’Israël connaît des difficultés d’identité avec ses voisins. Les anciens d’Israël ont élaboré des principes de vie pour se guider et pour bénéficier de l’appui constant de Dieu. Moïse a donné ainsi à son peuple des « lois de pureté » (cf. Lv 11-16) : est pur ce qui peut rapprocher de Dieu, est impur ce qui rend inapte à son culte ou en est exclu.

La Loi prévoyait plusieurs cas d’impureté et la procédure pour en sortir, par le moyen d’ablutions dans certains cas. Par exemple, « celui qui touche un cadavre, quel que soit le mort sera impur sept jours. Il se purifiera avec ces eaux, le troisième et le septième jour, et il sera pur ; mais s'il ne se purifie pas le troisième et le septième jour, il ne sera pas pur » (Nb 19, 11-12).

Les ablutions étaient nécessaires pour les prêtres avant le culte dans le Temple : « Yahvé parla à Moïse et lui dit : "Tu feras pour les ablutions un bassin de bronze à socle de bronze ; tu le mettras entre la Tente du Rendez-vous et l'autel, et tu y mettras de l'eau, avec quoi Aaron et ses fils laveront leurs mains et leurs pieds. Quand ils entreront dans la Tente du Rendez-vous, ils se laveront avec de l'eau afin de ne pas mourir ; de même, quand ils s'approcheront de l'autel pour le service, pour faire fumer une offrande consumée pour Yahvé, ils laveront leurs mains et leurs pieds, afin de ne pas mourir : c'est là un décret perpétuel pour lui et sa descendance, pour leurs générations. » (Ex 30, 17-21 ; voir aussi Ex 40, 30-31)

En plus de la Loi écrite de Moïse, le groupe des Pharisiens respectaient rigoureusement d’autres règles non écrites attribuées à Moïse, en disant qu’ils les tenaient de lui par la tradition orale : « Les Pharisiens, en effet, et tous les Juifs ne mangent pas sans s'être lavé les bras jusqu'au coude, conformément à la tradition des anciens, et ils ne mangent pas au retour de la place publique avant de s'être aspergés d'eau, et il y a beaucoup d'autres pratiques qu'ils observent par tradition : lavages de coupes, de cruches et de plats d'airain » (Mc 7, 3-4). On assiste à un formalisme à outrance à travers lequel la Loi passe au premier plan, au détriment des égards dus aux personnes.

La prescription de Jésus

La Loi de Moïse et les prescriptions de l’Ancien Testament avaient pour but de préparer peu à peu le peuple d’Israël à l’avènement de Jésus, venu pour « accomplir la Loi » (Mt 5, 17) : « La première alliance, elle aussi, avait donc des institutions cultuelles ainsi qu'un sanctuaire, celui de ce monde. Ce sont des règles pour la chair, ne concernant que les aliments, les boissons, diverses ablutions, et imposées seulement jusqu'au temps de la réforme » (He 9, 1.10).

Jésus s’est plusieurs fois opposé aux Pharisiens qui étaient attachés à certaines pratiques cultuelles en se vantant de pratiquer ainsi la vraie religion en ces termes : « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui purifiez l'extérieur de la coupe et de l'écuelle, quand l'intérieur en est rempli par rapine et intempérance ! Pharisien aveugle ! Purifie d'abord l'intérieur de la coupe et de l'écuelle, afin que l'extérieur aussi devienne pur » (Mt 23, 25-26).

Jésus et ses disciples ont partagé le repas avec des Pharisiens, sans ablutions préalables. Ce fut pour Jésus l’occasion de leur rappeler que la vraie pureté est celle du cœur : « les Pharisiens et les scribes l'interrogent : "Pourquoi tes disciples ne se comportent-ils pas suivant la tradition des anciens, mais prennent-ils leur repas avec des mains impures ?" Il leur dit : "Isaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites, ainsi qu'il est écrit : Ce peuple m'honore des lèvres ; mais leur cœur est loin de moi. Vain est le culte qu'ils me rendent, les doctrines qu'ils enseignent ne sont que préceptes humains. Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. […] Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui pénètre du dehors dans l'homme ne peut le souiller, parce que cela ne pénètre pas dans le cœur, mais dans le ventre, puis s'en va aux lieux d'aisance." […] Il disait : "Ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme. Car c'est du dedans, du cœur des hommes, que sortent les desseins pervers : débauches, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison. Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et souillent l'homme." » (cf. Mc 7, 1-23)

Au lavement des pieds, Jésus refuse la requête de Pierre de lui laver les mains et la tête aussi : « Jésus lui dit : "Qui s'est baigné n'a pas besoin de se laver ; il est pur tout entier. Vous aussi, vous êtes purs ; mais pas tous". Il connaissait en effet celui qui le livrait ; voilà pourquoi il dit : "Vous n'êtes pas tous purs" » (Jn 13, 10-11). La distinction est nette ici entre l’hygiène corporelle par le bain et pureté de cœur qui nécessite une conversion, un acte de volonté. Il est à noter que le lavement des pieds est une leçon d’humilité et de service fraternel : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c'est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous » (Jn 13, 13-15).

Pendant la messe, avant la consécration, le prêtre se lave les mains en disant un acte de contrition : « humbles et pauvres, nous te supplions Seigneur, que notre sacrifice en ce jour trouve grâce devant toi. Lave-moi de mes fautes et purifie-moi de mon péché ». Cela fait référence au cri du Psalmiste : « Je lave mes mains en signe d’innocence pour approcher de ton autel Seigneur » (Ps 25, 7). Là encore, ce n’est pas l’eau qui le purifie, mais sa contrition.

Dans la mentalité chrétienne, les ablutions n’effacent pas les péchés. Autrement, quelqu’un pourrait commettre régulièrement les pires péchés (blasphèmes, sacrilèges, meurtres, vols, adultères, etc.) et se convaincre d’être absout après avoir fait tranquillement ses ablutions. C’est pourquoi pour se purifier, les chrétiens n’ont pas recours aux ablutions, mais plutôt à la confession : c’est le sacrement qui réalise à la fois (cf. Catéchisme de l’Église Catholique n° 1423) :

- l’appel de Jésus à la conversion : « Repentez-vous et croyez à l'Évangile … » (Mc 1, 15),

- la démarche de revenir au Père duquel on s’est éloigné par le péché : « Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : Père, j'ai péché contre le Ciel et envers toi … » (Lc 15, 18),

- la mission des Apôtres et leurs successeurs de pardonner les péchés : « Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ... » (Jn 20, 22-23).

Pour être valide, la confession requiert entre autres l’aveu des péchés à un prêtre, le regret sincère des fautes et la ferme résolution de lutter contre ses penchants mauvais.

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